C'est à l'intersection des autoroutes 15 et 440 à Laval qu'on compte le plus grand nombre d'accidents graves ou mortels du Québec. Un problème de vitesse... mais aussi de configuration, préviennent experts et policiers. Trois des quatre bretelles de l'échangeur ne respectent d'ailleurs pas les normes dictées par Québec, selon notre analyse. Pourtant, l'endroit n'est pas considéré comme dangereux par le ministère des Transports.

Intersection des autoroutes 15 et 440

Laval

14 accidents graves

3 morts

12 blessés graves

Le piège des bretelles trop courtes

La Presse a fait analyser l'échangeur entre les autoroutes 15 et 440 par l'ingénieur routier et expert en sécurité routière Ottavio Galella, de la firme Trafix. Résutat: trois des quatre bretelles sont plus courtes que le minimum requis par le ministère des Transports. Même chose pour plusieurs zones d'entrecroisement. «Les automobilistes qui passent par là tombent dans un piège», prévient l'analyste.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

La valse des contraventions

Un, puis un autre. Et encore un autre. Laser à la main, les deux agents patrouilleurs de la police de Laval ont à peine le temps de rédiger une contravention qu'invariablement, un nouvel automobiliste passe en trombe devant eux.

Nous sommes le samedi 31 août, en plein long week-end de la fête du Travail. Comme toujours, le trafic file plus vite que la limite permise de 70 km/h sur la voie de desserte de l'autoroute 440, tout près d'une sortie pour l'autoroute 15.

Quelques secondes à peine après avoir pointé son détecteur de vitesse, l'agent Amedeo Sarno, discrètement garé dans le stationnement d'un magasin de spas, part en trombe derrière une berline noire qui file à 90 km/h. Son collègue David Boyle le suit à peine une minute plus tard, cette fois aux trousses d'une voiture grise qu'il capte à près de 100 km/h. Puis c'est au tour du conducteur d'un RAV4 d'être pris en chasse. Il roule à 93 km/h.

La charge se poursuit ainsi tout l'après-midi. Durant la première heure seulement, les deux policiers attrapent 16 contrevenants, qui écopent tous d'une contravention d'au moins 95 $.

Une trappe, diront plusieurs. Il reste qu'avec 14 accidents graves ou mortels et des centaines d'accrochages et de blessés légers en six ans, la jonction des autoroutes 15 et 440 est l'intersection où se produit le plus grand nombre d'accidents au Québec, selon les données fournies par la SAAQ. C'est aussi l'une des plus passantes, avec quelque 230 000 véhicules par jour. Le croisement des autoroutes 15 et 640, qui est tout aussi achalandé, compte deux fois moins d'accidents.

«Exposition au risque»

Pourtant, l'échangeur A15/A440 ne figure pas sur la liste des endroits à potentiel d'amélioration du ministère des Transports. «Le débit est très élevé, alors le nombre d'accidents [graves] ne relève pas d'une problématique. Les accidents surviennent un peu partout. On n'a pas ciblé un endroit en particulier [sur l'échangeur] où il y aurait un problème», indique Catherine Morin, porte-parole du MTQ dans la région.

L'ingénieur routier et expert en sécurité routière Ottavio Galella n'est pas du même avis. «Le nombre d'accidents est extrêmement élevé. L'exposition au risque est sérieuse. Il faut agir et mettre sur pied un plan destiné à sécuriser les points noirs.»

La Ville de Laval se montre également préoccupée. «C'est un endroit qu'on surveille beaucoup», note le lieutenant Daniel Guérin, porte-parole du corps de police municipal. Seulement sur les voies de desserte qui traversent le secteur, il recense 61 accidents ayant fait des blessés entre 2008 et 2012. Cela ne compte pas les voies rapides, sous la juridiction de la Sûreté du Québec.

Vitesse et distraction

«Le problème, c'est surtout la vitesse et la distraction, dit le lieutenant Daniel Guérin. Le nombre d'infractions criminelles est en baisse.» D'où les opérations radars ciblées à cette intersection.

Une jeune femme vient justement de se faire coller. À peine assez vieille pour posséder un permis de conduire, elle est accompagnée par sa mère. «J'ai essayé d'éviter une autre auto. C'est pour ça que j'allais trop vite», dit-elle la voix chevrotante en attendant que le policier lui rapporte ses papiers. «C'est difficile de conduire ici. Il y a des gens qui sortent de l'autoroute et d'autres qui veulent y entrer. Tout le monde a une vitesse différente.»

Une autre conductrice appréhendée met pour sa part son excès de vitesse sur le dos d'un manque de connaissance du secteur. «C'est la première fois que je passe ici. Je n'ai même pas vu le panneau indiquant la limite de 70. J'étais mélangée avec l'autoroute juste à côté.»

Le ministère des Transports a lancé en novembre 2011 un appel d'offres afin de réaménager une partie de l'autoroute 15 à Laval, dont l'échangeur avec l'A440. Le projet a été abandonné en 2012 «pour des questions budgétaires», explique Catherine Morin. Elle précise toutefois que les travaux n'avaient pas été envisagés en raison de problèmes de sécurité.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE