Suncor rejette toute idée de limiter sa capacité à expédier du pétrole lourd à Montréal via la ligne 9B d'Enbridge. La viabilité de la raffinerie de Montréal en dépend, a affirmé hier Me L.E. Smith, avocat de Suncor, à la troisième journée d'audience de l'Office national de l'énergie.

«Le pétrole lourd peut être transporté de façon sûre et fiable par l'ensemble des pipelines canadiens, a affirmé Me Smith. Il n'y a aucune raison d'imposer une restriction qui limiterait la compétitivité des raffineurs du Québec par rapport à tous les autres raffineurs d'Amérique du Nord.»

Auparavant, Me Dominique Neuman, de Stratégies énergétiques, avait plaidé pour une telle restriction en s'appuyant sur la répartition des capacités de raffinage de pétrole lourd et léger sur le continent. En effet, les raffineries du golfe du Mexique sont équipées pour traiter le pétrole lourd, tandis que celles du Nord-Est sont plutôt spécialisées en pétrole léger.

Ce faisant, estime Me Neuman, on diminue les conséquences possibles d'un déversement, dont le nettoyage est plus ardu quand il s'agit de pétrole lourd. Et par la même occasion, on offre une solution de rechange pour le transport de pétrole léger qui, est-il besoin de le rappeler, est de plus en plus transporté par rail - avec des conséquences parfois catastrophiques, comme on l'a vu à Lac-Mégantic.

«Si le choix est le train versus le pipeline, le pipeline est préférable, affirme Me Neuman. Le transport par rail est moins réglementé que le transport par pipeline, et il est plus risqué.»

Le sujet a semblé intéresser l'Office national de l'énergie, qui a posé des questions à ce sujet au Conseil du patronat, venu plaider en faveur du projet en soulignant son importance pour le secteur pétrochimique montréalais.

«Si le pétrole importé était seulement léger, est-ce que votre position serait différente?» a demandé Jacques Gauthier. «Je ne crois pas, non», a répondu Norma Kozhaya, directrice de la recherche et économiste en chef du Conseil du patronat du Québec.

Selon Suncor, la raffinerie de Montréal va continuer de raffiner environ 15% de pétrole lourd afin, entre autres, de produire de l'asphalte. Ce pétrole lourd est actuellement importé du golfe du Mexique.

«Les intervenants ne semblent pas s'inquiéter du transport du pétrole lourd quand il vient de l'étranger», a ironisé Me Smith. Du même souffle, il a cependant affirmé que l'expansion des sables bitumineux, fortement appuyée par Suncor en Alberta, ne dépend pas de l'inversion du flux de la ligne 9.

Rappelons que, de toute manière, cette question est expressément exclue du mandat de l'Office national de l'énergie. L'audience ne porte que sur le tuyau qui relie Montréal et North Westover en Ontario, et pas sur ce qui se produira à chaque extrémité ou même au-delà.

Inquiétudes

Et ce tuyau continue d'inquiéter le maire de Sainte-Anne-des-Plaines, Guy Charbonneau, même s'il assure avoir une bonne relation avec Enbridge.

«On reconnaît que les oléoducs sont le meilleur moyen de transporter le pétrole, dit-il. Nous ne sommes pas en guerre contre Enbridge. Mais l'approbation du projet sans amélioration de la sécurité est un risque.»

Il recommande «le remplacement de la conduite vieille de près de 40 ans par une conduite neuve» et l'ajout d'une valve de sécurité sur le territoire de sa ville.

Comme d'autres maires, il déplore ne pas avoir pu former ses pompiers à intervenir en cas de déversement. Mais il reconnaît qu'il n'en a pas fait la demande formelle par écrit. «Si ça prend une résolution du conseil, on va en faire une», a-t-il dit.