L'ancien premier ministre Jean Chrétien estime que Paul Desmarais était un «bâtisseur» qui a su inspirer à d'autres francophones le désir de se lancer en affaires, un milieu qui a longtemps été dominé par les anglophones. La Presse s'est entretenue au téléphone avec M. Chrétien, qui se trouvait à Rome, hier, au moment où la triste nouvelle a été annoncée.

Q Quelles sont vos réactions à la mort de M. Desmarais?

R C'était un homme extraordinaire, un francophone de Sudbury qui est devenu probablement l'homme d'affaires francophone le plus éminent qu'on ait connu dans l'histoire du Canada. Je le connaissais depuis très longtemps. Évidemment, nos familles sont réunies. Nous avons en commun quatre petits-enfants. Je l'ai connu en 1965. C'était un homme très gentil, un très bon homme d'affaires et très cultivé aussi. Il était très fier de ses origines françaises. Il était aussi très généreux au Canada, au Québec et même en France. Il a fait des contributions importantes. Ce n'était pas toujours connu, mais cela lui faisait toujours plaisir de le faire. C'était un sacré bonhomme, comme on dit.

Q Quel souvenir allez-vous garder de M. Desmarais?

R Il était un bon ami. C'était un homme très agréable, et il était très cultivé. C'était quelqu'un à qui je parlais régulièrement de politique et d'autres choses.

Q Il avait un flair impressionnant pour les affaires? Il a été un des premiers hommes d'affaires à tenter de tisser des liens avec la Chine.

R Il avait le don d'arriver au bon moment. Il a réalisé des coups assez spectaculaires. Quand la chance passait, il était toujours là pour la saisir. Il y a beaucoup de gens qui sont incapables de saisir leur chance. Lui, il était très agile de ce côté-là. C'est une grosse perte pour mes petits-enfants, mon gendre et ma fille. C'était un homme de famille sans pareil.

Q M. Desmarais avait aussi une don pour tisser des liens avec la classe politique, n'est-ce pas?

R Oui, évidemment. Il venait d'une famille de conservateurs. Mais au Québec, il a acheté les autobus de Bud Drury, qui était un ministre du gouvernement de Mike Pearson. Il était dans sa circonscription, alors j'imagine qu'il devait voter pour lui. Et à cette époque, les conservateurs, ils n'étaient pas très forts au Québec. Il disait que son père était un conservateur de Sudbury, un des frères de son père avait été candidat pour le Parti conservateur à un moment donné. Alors, c'était une famille conservatrice qui s'adaptait aux circonstances régionales. Mais il était gentil avec tout le monde. C'était facile d'être ami avec lui.

Quel sera son héritage à vos yeux?

R Il laisse un héritage de confiance. Quand il montait son entreprise, je lui disais souvent: «Quand il y aura des gens comme toi qui pourront devenir des forces dominantes dans le secteur financier et dans les affaires au Canada, ce sera un exemple pour les autres. "À un moment donné, il voulait acquérir le CPR [Canadian Pacific Railway], un Canadien français qui acquiert le CPR! Ça n'a pas marché. Chose certaine, ce n'était pas un chialeux, c'était un bâtisseur.