Les Canadiens francophones ont tendance à mettre plus de temps que les anglophones à adopter les nouvelles technologies, selon une étude de l'Observateur des technologies médias (OTM).

Il s'agit d'une tendance que les chercheurs observent depuis des années, mais qui a été confirmée après le sondage de milliers de Canadiens ce printemps, a affirmé le directeur de recherche et d'analyse, Mark Allen.

«En matière d'adoption de la technologie, de façon générale, les francophones tardent un peu. Je ne pense pas que ce soit culturel, je pense que, puisqu'ils parlent une langue différente, ils obtiennent souvent les services plus tard que les autres.»

«C'est plus difficile pour les francophones d'adopter la technologie, parce qu'ils peuvent l'acheter, mais ils n'ont pas les services qui l'accompagne», affirme-t-il.

L'OTM a sondé par téléphone 2000 anglophones et autant de francophones en mars et en avril. Il a comparé leur utilisation de la technologie au quotidien. Les résultats sont fiables avec une marge d'erreur de 2,2 pour cent, 19 fois sur 20.

Environ 34 pour cent des répondants anglophones ont affirmé posséder une tablette électronique, contre seulement 20 pour cent des francophones. Alors que 19 pour cent des anglophones utilisaient une liseuse électronique, seulement quatre pour cent des francophones lisaient leurs livres sur un appareil semblable.

Ann-Louise Davidson, professeure associée en technologies de l'éducation à l'Université Concordia, a avoué ne pas être surprise de ces résultats, qu'elle explique par plusieurs facteurs.

Elle évoque les salaires plus bas au Québec et les difficultés d'accéder à du contenu en français.

«Le Québec n'est pas la province la plus riche, alors cela dépend automatiquement du salaire des gens. S'il y a un million de personnes gagnant le salaire minimum, évidemment il n'y n'aura pas une grande proportion de la population qui possède une tablette ou un téléphone intelligent», a-t-elle expliqué.

«C'est quelque chose que j'ai remarqué dans les quartiers moins bien nantis de Montréal. Quand on entre dans un café, on voit des gens avec des ordinateurs plus abordables ou de plus vieux téléphones. Dans les quartiers plus riches, les gens ont des produits Apple, on va voir des gens avec un MacBook, un iPad ou un iPhone.»

Alors que le site de visionnement Netflix est devenu très populaire au Canada, seulement cinq pour cent des francophones sondés étaient abonnés, contre 25 pour cent des anglophones. Ce résultat est peu surprenant, compte tenu du peu de contenu en français disponible sur le site.

Regarder la télévision sur un téléphone intelligent demeure un fait rare chez tous les Canadiens, mais environ 9 pour cent des anglophones le font, soit près du double des cinq pour cent de francophones.

L'abondance de contenu web anglophone de bonne qualité ne se retrouve simplement pas en français, soutient Mme Davidson, ajoutant que les francophones doivent faire des pieds et des mains pour trouver les outils dans leur langue, de ressources pédagogiques au divertissement.

Les francophones risquent d'être oubliés dans la révolution numérique s'ils insistent pour compter seulement sur des ressources en français, met en garde la professeure associée.

«Si on y pense, l'Internet est anglais. Les applications sont en anglais, le web est en anglais», exprime-t-elle.

«Je m'identifie à la population francophone, mais je ne rejetterais jamais le fait que l'anglais est la langue des affaires. Bien sûr, on peut retrouver des communautés francophones en ligne, mais il reste que si on parle français et qu'on n'utilise que des ressources et des logiciels en français, on est désavantagés dans ce monde de technologie.»