Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Steven Blaney, étudie « toutes les options » pour contrer la venue à Montréal de prédicateurs islamistes qui n'aiment ni les femmes non voilées, ni la musique, ni les couples gais.

Sauf que leur fermer la porte du Canada ou interdire la conférence ne constituent pas des « options explorées », indique le ministre.

« On suit cette situation-là de près et plusieurs ministères sont impliqués dans ce dossier, a expliqué le ministre en entrevue à La Presse. Mais, dans une démocratie, on doit s'assurer que chacun des pouvoirs est exercé dans le respect des lois en vigueur. »

La semaine dernière, dans la foulée de la publication par La Presse d'un article sur ces prédicateurs français, le gouvernement Marois avait demandé par écrit à Ottawa d'intervenir sans délai. Seul le fédéral a le pouvoir de leur fermer éventuellement la frontière.

« Ce sont des propos dégradants et humiliants, commentait alors en entrevue la ministre Agnès Maltais. [...] L'égalité hommes-femmes est fondamentale et ne peut pas être remise en question au nom de la liberté d'expression. »

« Je suis troublé par ces propos inacceptables et rétrogrades qui dépassent l'entendement, concède le ministre Blaney. Dans notre pays, le respect des droits fondamentaux des femmes et des hommes est non négociable. »

Mais le ministre est contre l'interdiction de la conférence au nom de la liberté d'expression, un droit qui, ajoute-t-il, vient toutefois  « avec des responsabilités ». En fait, c'est sa marge de manoeuvre légale qui est étroite.

Cette conférence - baptisée Entre ciel et terre - organisée par de jeunes musulmans montréalais  suscite pourtant une vague de réprobation, y compris dans la communauté. Néanmoins, celle-ci craint un ressac anti-musulman qu'engendrerait un amalgame avec ces « obscurantistes » considérés par beaucoup comme très marginaux.

Trois manifestations sont prévues devant le Palais des congrès le 7 septembre.

Femmes, musique et gais

Les propos tenus en France par des invités dans leurs prêches, en particulier sur les femmes, suscitent l'indignation.

Par exemple, Nader Abou Anas, qualifié d'« imposteur » sur certains sites musulmans, demande aux femmes de raser les murs, de se voiler, de ne pas se maquiller ou se parfumer pour ne pas être provocantes et attirer les « loups ».

Il affirme aussi que de ne pas porter le voile « est pire que d'avoir le cancer ou le sida ».

La musique, quant à elle, est « illicite ». Nader Abou Anas dénonce aussi les « dégâts des séries TV » telleDesperate Housewives, qui « rend normale la vue d'un couple de gais ou de lesbiennes ».

Des vérifications

À l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), on indique que les motifs d'interdiction du territoire sont établis dans les articles 32 à 42 de la Loi sur l'immigration.

« Plusieurs facteurs sont considérés afin de déterminer si une personne est admissible au Canada, y compris la participation à des activités criminelles, à des violations aux droits de l'homme et au crime organisé, ainsi que des raisons de sécurité, de santé ou des raisons financières », précise la porte-parole Jacqueline Roby.

Rien dans la loi ne pourrait empêcher ces prédicateurs d'entrer au Canada, à moins qu'ils aient commis un acte criminel en Europe, présentent une vraie menace ou soient recherchés. Ce qui a priori ne semble pas le cas. Mais les fonctionnaires canadiens en poste à Paris procèdent aux vérifications nécessaires.

On se souviendra qu'en 2009, l'ASFC avait interdit de séjour l'ancien député britannique George Galloway à cause de son soutien au mouvement palestinien Hamas, classé comme terroriste au Canada. Le gouvernement Harper avait invoqué l'article 34 de cette loi, avant de faire marche arrière.

Ni les organisateurs de la conférence ni Nader Abou Anas n'ont répondu aux courriels de La Presse.