Les centrales syndicales ont affûté leurs armes pendant l'été: elles sont fin prêtes pour le début des consultations publiques de la Commission nationale d'examen sur l'assurance-emploi, un exercice qu'Ottawa ferait mieux de suivre avec attention, avertissent-elles.

«Si le fédéral n'a pas le coeur de le faire [de modifier la réforme de l'assurance-emploi], qu'il laisse Québec s'en occuper. Si ça ne fonctionne pas, on va demander au provincial de rapatrier le régime», prévient dimanche le vice-président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Jean Lacharité, à la veille des premières audiences de la Commission. 

Avec la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) et la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), la CSN déposera lundi un mémoire dont le titre, L'assurance-emploi: un régime dénaturé à reconstruire, laisse présager des débats musclés sur la réforme fédérale conservatrice, en vigueur depuis janvier. 

Cette révision a entre autres instauré trois catégories de prestataires, et chacune d'elles présente des critères particuliers pour la recherche d'emploi. La réforme a particulièrement irrité les travailleurs saisonniers, qui tombent dans la catégorie des prestataires fréquents, ceux-là mêmes qui peuvent être amenés à chercher des emplois à une heure de route de la maison et dont la rémunération correspond à 70 % du salaire précédent. 

«C'est une attaque à l'économie des régions, on va dévitaliser les territoires. Si les gens n'ont pas d'emploi ni de filet de sécurité, ils vont déménager», s'inquiète Jean Lacharité, ajoutant que des représentants des chambres de commerce lui ont fait part d'inquiétudes liées à la perte de main d'oeuvre en région.

Ce ne sont pas les travailleurs qui sont saisonniers, mais bien le travail, martèle le syndicaliste. «Pour eux, ça aura beau être souffrant de ne pas avoir d'emploi, s'il n'y en a pas, il n'y en a pas», dit-il.

Jean Lacharité dénonce l'approche des conservateurs dans le dossier. Il la qualifie d'«idéologique», parce que construite sur deux préjugés.

«Il y a cette idée que les gens sont des paresseux, que ce sont tous des fraudeurs potentiels.»

«Les conservateurs gouvernent par dogmatisme, sans connaître les impacts de leurs décisions », peste-t-il, en rappelant qu'en moyenne, les personnes ayant perdu un emploi en retrouvent un nouveau après 20 semaines de recherches.  

Accessibilité universelle 

Pour une réforme à leur goût, les quatre centrales syndicales proposent une norme d'admissibilité universelle de 13 semaines d'emploi assurable (elle varie actuellement en fonction du lieu de résidence et du taux de chômage de la région où habite le prestataire) et un taux de remplacement du revenu afin qu'il atteigne «au moins 60 %». À noter, la norme variable d'admissibilité a été introduite au pays en 1977, sous la gouverne libérale de Pierre Elliott Trudeau. L'année suivante, le taux de prestation passait de 66 à 60 % - elle n'a cessé de diminuer depuis cette date. 

Jean Lacharité rapporte que le taux de personnes admissibles aux prestations est passé à 41,3 % en 2011, son plus bas niveau depuis la fin des années 1990. «C'est donc 60 % des salariés qui n'ont pas accès à l'assurance-emploi», souligne-t-il. «Ce sont les salariés et les employeurs qui cotisent, et non pas le gouvernement, qui se permet de modifier les règles comme il le veut.» 

Les coprésidents de la commission, l'ancien chef bloquiste Gilles Duceppe et l'ex-ministre péquiste Rita Dionne-Marsolais, prennent les routes du Québec lundi pour entamer une série d'audiences qui se termineront le 10 octobre. La Commission, dotée d'un budget de 1,5 million, compte remettre un rapport en novembre. Elle refuse pour l'instant de commenter la possibilité que Québec rapatrie les compétences en matière d'assurance-emploi, une possibilité qui ne va pas sans rappeler l'instauration du régime québécois d'assurance parentale.