Un siècle sépare leur arrivée à Montréal. Profil de deux immigrés italiens, du plus ancien à l'une des plus récentes...

Michele Lanese n'est pas retourné en Italie pendant 90 ans. Mais en 2009, après avoir gagné le gros lot à l'émission Le banquier, l'homme aujourd'hui âgé de 106 ans s'est fait offrir deux billets d'avion pour aller revoir son pays d'origine.

Accueilli en héros dans son village natal, le vieillard a revu la maison de son enfance. Rien n'avait changé. Il admet que ce retour aux sources a fait «remonter les souvenirs». Mais de nostalgie, pas trop. «Une partie de mon coeur est toujours en Italie, dit-il. Mais je suis plus Canadien que les Canadiens. Depuis toujours, ma vie est ici.»

Débarqué à Montréal en 1917 avec sa mère et ses six soeurs, M. Lanese est, sauf erreur, le plus vieil immigré italien toujours vivant de Montréal. Imaginez. Quand il est arrivé, la Petite Italie n'était qu'un vaste champ et on chassait encore le gibier dans les bois de Saint-Léonard...

Débrouillard, le jeune Michele s'est vite adapté à son nouveau pays. À 15 ans, il travaillait déjà dans une usine de pâtes. «J'étais payé 8 cents de l'heure!» Il a aussi été électricien, cireur de chaussures et importateur de rubans, avant de devenir nettoyeur de chapeaux en 1938. Son commerce, City Hatters, a existé pendant 42 ans. Mais en 1980, à l'âge de 73 ans, il a fermé la shop.

Aujourd'hui, Michele Lanese ressemble à un heureux retraité. Il ne va plus au casino depuis que son neveu est décédé («c'était mon partenaire»), mais continue de marcher deux kilomètres par jour, histoire de garder la forme. «Il ne faut pas arrêter, dit-il. Si on arrête, on est mort.»

Des mauvais souvenirs? À peine. Pendant la guerre, lorsque le Canada était en guerre contre l'Italie, la GRC lui a bien demandé des comptes. Mais avec du recul, cela le fait plutôt rigoler. «D'un côté, j'étais contrôlé. De l'autre, je recevais des lettres pour aller faire mon service militaire.»

- L'avez-vous fait?

-Finalement, non, j'étais trop vieux...

Une nouvelle vague

Alessandra Santopadre s'est installée à Montréal il y a un an. Elle fait partie d'une nouvelle génération d'immigrants, urbains et scolarisés, qui ont choisi de vivre ailleurs qu'en Italie. Rien à voir avec la main-d'oeuvre paysanne non qualifiée qui est venue peupler le Québec entre 1900 et 1970.

Anthropologue et travailleuse sociale, Alessandra travaille à Laval auprès de la population immigrante. Elle a fait quelques fois le tour du monde avant de poser ses pénates au Canada.

Elle ne fréquente pas vraiment la communauté italienne «sauf pour quelques fêtes». Mais elle constate que les Italo-Montréalais sont «plus ouverts» que ceux d'Italie. Un effet positif du multiculturalisme, croit-elle. «Disons qu'il y a plus de possibilités de se mélanger.»

Paradoxalement, elle remarque aussi que le Montréal italien est resté très conservateur et ancré dans ses traditions. «C'est comme si, ici, la culture était congelée dans les années 50. En Italie, on ne trouve plus ça.»

Elle connaît d'autres Italiens qui, comme elle, songent à venir s'établir ici. Pour beaucoup de jeunes Italiens, le Canada est un endroit où tout demeure possible. Alors qu'en Italie, la situation économique est difficile et les perspectives d'emploi, plutôt rares.

Elle ne sait pas, de son côté, si Montréal sera sa destination finale. Si elle a fini par trouver ses repères ici, l'Italie lui manque toujours un peu.

«Je m'ennuie de ma famille. Je m'ennuie des petits espaces. À Montréal, tout est si grand! Et je m'ennuie surtout des bons espressos. Pas qu'ils ne sont pas bons ici, mais ce n'est pas la même chose...»