Les 175 000 travailleurs de la construction déclencheront une grève générale illimitée le 17 juin si aucune entente n'intervient d'ici là entre les syndicats qui les représentent et les associations patronales.

Déjà, une menace de lock-out de la partie patronale pèse sur l'industrie en marge de négociations qui s'avèrent extrêmement difficiles.

En conférence de presse, jeudi matin à Montréal, l'Alliance syndicale, qui regroupe l'ensemble des syndicats de la construction, a reproché à la partie patronale d'avoir cessé de négocier tout en se livrant à une campagne de dénigrement des demandes syndicales.

Le porte-parole de l'Alliance, Donald Fortin, a dit soupçonner les associations patronales de retarder volontairement le processus pour engraisser leurs profits alors que les conventions collectives sont échues depuis le 30 avril et que, contrairement aux autres secteurs d'activité, il n'y a pas de rétroactivité dans le domaine de la construction.

«Les patrons économisent près de 8 millions de dollars par semaine en augmentations de salaire non accordées. (...) On parle donc de plus de 30 millions économisés à ce jour. Il n'est donc pas dans leur intérêt de négocier», a-t-il déclaré.

L'Alliance soutient que les demandes patronales entraîneraient une perte annuelle moyenne de 1900 $ par travailleur. Les employeurs tentent notamment d'obtenir des allongements des heures de travail, une obligation de travailler sur six jours sans temps supplémentaire, le remplacement du temps supplémentaire payé en double par du temps et demi ainsi qu'une mobilité provinciale sans restriction de la main-d'oeuvre.

L'Alliance qualifie ces demandes de rétrogrades et entend s'opposer vigoureusement à ces reculs, notamment la mobilité sans restriction, qui affecterait durement les travailleurs en régions éloignées où se trouvent plusieurs grands chantiers.

«Si les entrepreneurs amènent tous leurs permanents et que le travailleur de la région ne travaille pas, ça pose problème. (...) Il y a des députés et des maires qui commencent à réagir de voir leurs électeurs en chômage alors que les gens de l'extérieur viennent faire des travaux, des investissements chez eux», a indiqué M. Fortin

Les syndicats placent par ailleurs au sommet de leurs priorités une révision du régime de compensation pour les frais de déplacement.

Selon l'Alliance, les demandes syndicales représentent un gain annuel moyen de 1400 $ par travailleur. Elle fait valoir que les travailleurs de la construction gagnent 35 $ de l'heure ce qui, compte tenu du nombre d'heures travaillées, représente 35 000 $ par année en moyenne. Sur une base horaire, les demandes syndicales, incluant les salaires et les avantages sociaux, représentent 1,40 $ de l'heure, soit une augmentation de 4 pour cent.

Interrogé sur un impact possible de la Commission Charbonneau, alors que l'industrie a été mise à mal par les révélations scandaleuses à son sujet, M. Fortin a dit espérer qu'il n'y avait là aucun lien à faire avec les difficultés rencontrées à la table de négociations.

«Les histoires qu'on entend sur la construction à venir à ce jour n'ont pas touché aux syndicats à ce que je sache, ni aux travailleurs. Les travailleurs n'ont pas à payer la facture de ne pas voir leurs conditions de travail renouvelées parce qu'il y a des problèmes avec certains entrepreneurs qui ont été capables, eux, de verser des montants substantiels pour financer des partis politiques», a-t-il dit.

L'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ) n'a pas tardé à réagir, qualifiant l'Alliance d'intransigeante.

Dans un communiqué, son directeur général, Eric Cherbaka, reproche à l'Alliance de «provoquer un conflit injustifié» et de «privilégier encore une fois le recours à des moyens de pression au détriment de la négociation». Il invoque, pour appuyer ses dires, l'annulation de trois rencontres de négociation qui devaient avoir lieu cette semaine dans le secteur résidentiel, représenté par son association, et dit croire que l'Alliance «semble plus occupée à organiser la grève qu'à négocier».

L'APCHQ, qui représente le secteur de la construction résidentielle, note qu'elle est parvenue à des ententes de principe sur la plupart des demandes normatives et qu'elle a déposé une offre salariale globale pour la durée de la prochaine convention collective comprenant diverses bonifications, notamment pour les frais de déplacement.

En conférence de presse, toutefois, l'Alliance avait davantage ciblé l'Association de la construction du Québec (ACQ) comme étant la principale responsable de la détérioration du climat de négociation. Donald Fortin était allé jusqu'à reprocher à l'ACQ, qui représente les secteurs de la construction industrielle, commerciale et institutionnelle, d'abuser de sa position de force pour «prendre en otage toute l'industrie» pour en arriver à ses fins dans la construction.