Le gouvernement a assuré un suivi inadéquat des 12,9 milliards de dollars qu'il a consacrés à la lutte contre le terrorisme entre le 11 septembre 2001 et l'année 2009, estime le vérificateur général Michael Ferguson.

C'est l'une des conclusions du rapport de 11 chapitres rendu public mardi, dans lequel le vérificateur s'est montré préoccupé par une série de sujets. Il a dénoncé la mauvaise coordination de l'administration de certains programmes, dont la commission sur les pensionnats autochtones. Il s'est aussi inquiété du fait que les services de recherche et de sauvetage manquent de ressources adéquates pour bien faire leur travail.

Au sujet du terrorisme, M. Ferguson a noté une différence de 3,1 milliards de dollars entre les fonds consentis à l'échelle du gouvernement et les dépenses déclarées par les quelque 35 ministères et organismes. « Aucune information permettant de savoir si les ministères avaient utilisé un montant de 3,1 milliards de dollars pour l'initiative n'était disponible », a-t-il déclaré.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor, chargé de cette surveillance, a émis certaines hypothèses, dont celle que les fonds aient pu être dépensés dans des programmes non liés à l'initiative.

« Nous n'avons rien trouvé qui laisse croire que l'argent ait pu être utilisé de manière indue. Par contre, il est important de fournir des moyens de comprendre comment cet argent est dépensé. Et ce rapport de synthèse n'a pas été fait », a précisé le vérificateur en point de presse.

Le gouvernement a rappelé qu'un système de surveillance des dépenses était bel et bien en place au sein des ministères, et que les carences observées se trouvaient au niveau de la vision d'ensemble qui devait être coordonnée par le Secrétariat. «C'était en quelque sorte un système "bretelles et ceinture"», a illustré le ministre responsable, Tony Clement.

Le vérificateur général a raison, a-t-il ajouté: «Cette information n'a jamais été envoyée aux ministres responsables du Conseil du Trésor». «Mais la ceinture est toujours en place», a insisté le ministre Clement.

Recherche et sauvetage

Michael Ferguson s'inquiète aussi du fait que le manque de personnel et d'équipements adéquats peut miner la capacité du gouvernement en matière de recherche et de sauvetage.

« Des améliorations notables sont nécessaires pour faire en sorte que les Forces canadiennes et la Garde côtière canadienne puissent continuer d'intervenir comme il se doit et disposer des effectifs, des équipements et des systèmes d'information qu'il leur faut », écrit-il.

Le vérificateur indique que « des difficultés constantes de recrutement et de formation menacent la pérennité de ces opérations ».

Il ajoute que l'efficacité des activités de recherche et de sauvetage dans l'avenir est mise en péril par des « avions âgés », des hélicoptères « trop peu nombreux » ou un système de gestion de l'information qui « approche du point où il cessera de fonctionner ».

Pensionnats autochtones

D'autres chapitres du rapport dénoncent un manque de coordination entre diverses entités du gouvernement pour assurer une mise en oeuvre efficace des programmes.

C'est le cas entre autres du dossier des pensionnats autochtones, où un problème de coordination entre la Commission de vérité et de réconciliation et le ministère des Affaires autochtones compromet un pan important du programme destiné à compenser les sévices commis dans ces établissements.

La Commission a été mise sur pied en 2009. Outre les audiences publiques tenues un peu partout au pays, l'une des composantes centrales du programme prévoyait la création d'un dossier historique aussi complet que possible sur le système des pensionnats et ses séquelles sur les autochtones qui y ont séjourné.

« Nous avons conclu que ni la Commission de vérité et de réconciliation ni Affaires autochtones et Développement du Nord Canada n'avaient pris des mesures adéquates » en la matière, dit le vérificateur.

Par exemple, les deux entités n'ont pu s'entendre sur le type de documents nécessaires, et le Ministère « n'a pas pris de mesures adéquates pour fournir tous les documents pertinents », écrit M. Ferguson.

« Nous redoutons que l'absence de collaboration, les retards et le mandat qui achève n'empêchent la création du dossier historique des pensionnats indiens envisagé au début de cette démarche. »

Lutte contre le diabète

Un problème de coordination a aussi été relevé dans la mise en oeuvre de stratégies de prévention et de lutte contre le diabète. En tout, plus de 100 millions ont été accordés à trois entités pour mettre un programme sur pied : L'Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada.

« Ces actions n'ont pas été coordonnées, déplore le vérificateur. Les organisations fédérales chargées de mettre en oeuvre cette stratégie doivent veiller à utiliser au mieux les ressources qu'elles reçoivent pour en maximiser les bienfaits pour la population canadienne. »

Sécurité des contrats

Le vérificateur a par ailleurs noté que des entités gouvernementales n'avaient pas mis en oeuvre les mesures nécessaires pour attester de la « sécurité des entreprises du secteur privé qui ont accès à des renseignements protégés ».

« Notre examen des dossiers de contrats a révélé que le Service canadien du renseignement de sécurité établissait systématiquement des exigences relatives à la sécurité pour ses contrats, mais que ce n'est pas le cas pour la Défense nationale ni pour la GRC », a-t-il précisé.

Assurance emploi

Enfin, Michael Ferguson souligne que le gouvernement rate des occasions de détecter et de recouvrer des dizaines de millions de dollars en paiements d'assurance emploi versés en trop chaque année.

Selon le vérificateur, le ministère des Ressources humaines n'utilise pas toute l'information disponible afin de réduire les risques et il ne fait pas de suivi adéquat pour déterminer l'efficacité de ses mesures de recouvrement.

En 2011-2012, on a pu déceler 295 millions de dollars versés en trop. Il estime qu'Ottawa pourrait aller en chercher davantage.