Avril 1994, au chalet du mont Royal. Le gratin des gens d'affaires se réunit à l'occasion d'un événement qui va devenir une tradition: le premier Bal de la Jonquille. Alors que la Société canadienne du cancer espère récolter 50 000$ en bénéfices, elle dépasse son objectif et se retrouve avec 86 000$. C'est le début d'un succès qui dure depuis 20 ans.

Alison Silcoff, organisatrice de la première heure, est aux commandes de ce gala mondain depuis ses débuts. À partir de ses bureaux au troisième étage de sa maison, avec deux employées, elle orchestre les mille et un détails qui font du Bal de la Jonquille l'une des soirées-bénéfice les plus prestigieuses au Canada.

«La cause du cancer est importante, mais il y a beaucoup d'autres causes et les gens d'affaires sont sollicités de toutes parts pour donner de l'argent, dit-elle. Il faut donc créer un événement qui soit un must, auquel ils veulent participer pour rencontrer le «who's who» des affaires non seulement de Montréal, mais du Canada entier. Il faut aussi faire en sorte que ces personnes déjà gâtées, qui ont des standards très élevés, soient épatées par ce qu'on leur propose.»

Au fil des ans, la petite équipe de Mme Silcoff, aidée d'une armée de bénévoles et de fournisseurs fidèles, n'a pas manqué d'impressionner les convives de l'événement avec des thèmes qui se prêtent au spectaculaire et à la fantaisie, comme James Bond, les Mille et Une Nuits, le Carnaval de Venise ou Alice au pays des merveilles.

Cette année, c'est dans le monde de Gatsby le magnifique que les donateurs sont conviés, dans un décor typique des années 20, avec Rolls-Royce jaune d'époque, musique de jazz, lustres de cristal et accessoires Art déco.

L'histoire d'un succès

En coulisses de tout ce glamour s'additionnent des milliers d'heures de boulot étalées sur toute l'année. Pendant les semaines qui précèdent le bal, Alison Silcoff travaille sans relâche, sept jours sur sept. Tout est réglé au quart de tour.

«Chaque détail compte et je m'intéresse personnellement au moindre d'entre eux - décor, menu, costumes, musique, animation - jusqu'à la couleur du rouge à lèvre des hôtesses, dit-elle. Il faut que la logistique soit parfaite et que personne ne soit obligé d'attendre. Il y a 48 valets rien que pour garer les voitures.»

Mais au-delà de l'organisation de la soirée, le succès d'un gala-bénéfice se joue en amont, dans la mise en oeuvre de la collecte de fonds. C'est là qu'entrent en jeu les coprésidents, des grosses pointures du monde des affaires qui s'engagent bénévolement pour la cause et qui sollicitent personnellement des dons auprès de leurs fournisseurs et relations. Par les années passées, Alban D'Amours, André Desmarais, Lino Saputo fils ou Laurent Beaudoin ont fait partie de cette liste. Cette année, les coprésidents sont Michael Sabia, président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Javier San Juan, PDG de L'Oréal Canada, et Domenic Pilla, président et chef de la direction de Pharmaprix.

«Personnellement, le cancer est une cause qui me touche, car comme pour bien des familles canadiennes, la mienne a été touchée, explique Domenic Pilla. Je suis engagé dans cette cause à bien des niveaux, entre autres comme membre du conseil d'administration de l'hôpital Princess Margaret à Toronto. J'ai accepté d'être coprésident du Bal de la Jonquille parce que la Société canadienne du cancer est un organisme pancanadien qui fait de belles choses pour appuyer la recherche et les patients.»

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Pas de bal sans bénévoles

Le Bal de la Jonquille ne pourrait pas exister sans l'apport de quelque 200 bénévoles. Des personnes de toutes les sphères de la société donnent de leur temps pour en faire un succès. Parmi eux, on retrouve des jeunes et des moins jeunes qui accomplissent les missions des plus délicates jusqu'aux tâches les plus simples. Cela va du président d'entreprise qui sollicite des dons importants auprès de ses clients à l'étudiante hôtesse qui guide les invités vers leurs tables. Pour la soirée même, il faut une quarantaine de bénévoles pour vendre des billets de tirage, tandis que d'autres sont postés à l'accueil. Certains guident les représentants des médias, d'autres préparent les sacs-cadeaux contenant les prix de présence, et d'autres se consacrent à l'encan silencieux. Pour les remercier, l'organisation prépare chaque année une petite fête au cours de laquelle ils reçoivent un cadeau.

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Les jonquilles, tout un défi

Entre 30 000 et 45 000 jonquilles décorent le bal chaque année. Ces fleurs sont importées et arrivent par avion avant d'éclore dans les jours précédant l'événement. Elles sont alors installées et préparées pour éclore le jour même du bal par le fleuriste Yves Chénier, qui reçoit pour ce faire l'aide d'une quarantaine d'étudiants en fleuristerie du Centre de formation professionnelle Pierre-Dupuy. Il y a une dizaine d'années, les 30 000 jonquilles transportées d'Écosse par avion ont été livrées par erreur à Toronto! On les a retrouvées le lendemain soir, complètement fanées. Il ne restait plus que deux jours à Alison Silcoff pour en dénicher d'autres! «Je n'ai pas dormi pendant deux jours», se rappelle-t-elle. Elle a finalement dégoté un fournisseur capable de remplir cette énorme commande en Colombie-Britannique. Cette année, les jonquilles du bal proviendront des États-Unis.