Ralph Klein, «l'Albertain ordinaire» qui a été premier ministre de sa province pendant quatre mandats majoritaires successifs, est mort vendredi à l'âge de 70 ans.

Celui que les Albertains appelaient tout simplement «Ralph» finissait tranquillement ses jours dans un centre de soins de longue durée de Calgary depuis quelques années, aux prises avec une forme de démence, ainsi que des problèmes pulmonaires causés par le tabagisme.

«La nature de sa maladie a fait en sorte qu'il était très difficile pour lui d'exprimer ses pensées au cours des trois dernières années, ce que je savais être un véritable défi pour lui, mais Ralph était très au courant et appréciait beaucoup les messages de prompt rétablissement et les bons mots qu'il a reçus», a déclaré la femme de l'ex-politicien, Colleen Klein, dans la déclaration publiée par les Services de santé albertains.

L'actuelle première ministre albertaine, Alison Redford, a indiqué que «Ralph était un vertueux défenseur de notre province, et il avait un grand amour pour l'Alberta et les Albertains.»

Le premier ministre Stephen Harper a estimé que «l'Alberta et le Canada ont perdu un dirigeant unique et remarquable».

«Bien que les opinions de Ralph au sujet du rôle du gouvernement et de la responsabilité financière aient déjà été considérées comme étant radicales, son legs le plus important est peut-être le fait que ces idées sont maintenant largement acceptées par l'ensemble du spectre politique», a-t-il indiqué par voie de communiqué.

«Premier ministre de l'Alberta de 1992 à 2006, Ralph a joué un rôle crucial dans la réussite économique de sa province et de tout le pays, dont tous les deux continuent de profiter aujourd'hui», a-t-il ajouté.

En entrevue à La Presse Canadienne, Jean Chrétien a confié qu'il avait été un ami de M. Klein depuis le début des années 80 et que, malgré leurs divergences, il l'a toujours vu comme un homme juste et doté d'un esprit de collaboration.

«Il était populiste, près du peuple, et... il n'était pas du genre à jouer les gros bonnets.»

Le chef de l'Opposition officielle à Ottawa, Thomas Mulcair, s'est dit attristé par le décès de M. Klein.

«Au cours de ses 26 années en politique, Ralph Klein a fièrement représenté les gens de sa province. Sa passion pour l'Alberta lui valait le respect de tous, y compris ses adversaires. Son travail et sa personnalité ont marqué l'histoire de l'Alberta», a-t-il affirmé, dans un communiqué.

M. Klein a été assailli par des problèmes de santé tout de suite après avoir quitté son poste de premier ministre en 2006, poste qu'il avait occupé pendant 14 ans.

Durant cette période, il a réussi à juguler le déficit public de la province jusqu'à éliminer même complètement la dette accumulée, à coup de privatisations et de budgets austères. Les gigantesques revenus fiscaux issus de l'exploitation des sables bitumineux y ont aussi bien sûr contribué pour beaucoup.

Son style direct, tant en matière budgétaire que dans ses communications, a été baptisé «la révolution Klein» par le milieu politique albertain.

Ralph Klein était un antihéros: journaliste de télévision de Calgary, il a d'abord fait une incursion en politique pour s'attaquer à des problèmes locaux; à la surprise générale, il a été élu maire de la ville en 1980, poste qu'il a conservé jusqu'en 1989.

Sur la scène municipale, il a accéléré le développement économique de Calgary, pour la faire passer du statut de ville agricole à celui de plaque tournante du commerce au Canada.

Le maire actuel, Naheed Nenshi, a affirmé sans équivoque que la ville avait subi une importante perte.

«Au cours des prochains jours, on partagera les faits marquants de sa carrière et son héritage politiques, et de nombreux Albertains pleureront le départ d'un ancien premier ministre adoré», a déclaré M. Nenshi dans un communiqué. «Mais il a toujours considéré Calgary comme sa véritable demeure, et à mes yeux, il sera toujours Maire Klein.

La famille de M. Klein a d'ailleurs demandé à la ville de Calgary d'organiser une «célébration de vie» publique pour M. Klein, et les autorités municipales en divulgueront les détails au fur et à mesure qu'ils seront connus.

Comme premier ministre de la province, M. Klein a éliminé la dette publique et a accru les partages de services entre le secteur privé et le secteur public. En 1992, alors que le Parti progressiste-conservateur provincial semblait sur le point d'être défait, c'est lui qui l'a sauvé.

«Le monde de Ralph»

Ralph Klein incarnait la force de la détermination individuelle. À travers lui, c'est chaque Albertain qui se voyait premier ministre. Enfant du divorce, le futur premier ministre avait quitté l'école secondaire avant d'obtenir un diplôme.

Il ne manquait jamais une occasion de soulever la controverse.

Comme maire de Calgary, il a mis un taux de criminalité croissant sur le compte des «vagabonds et des voyous» qui venaient de l'est du Canada. Lorsqu'il a occupé le poste de ministre de l'Environnement, il a retourné le doigt d'honneur d'un manifestant devant les caméras.

En 2001, alors que son parti remportait 74 sièges sur 83 - et récoltait presque deux voix sur trois -, le premier ministre clamait: «Bienvenue dans le monde de Ralph!».

Le flamboyant conquérant est toutefois devenu héros tragique, à mesure que ses démons revenaient le hanter. Il fumait comme une cheminée et luttait contre une dépendance à l'alcool. Son problème est devenu public en 2001 lorsqu'il a fait une sortie publique en état d'ébriété, criant à des sans-abri d'Edmonton d'aller se trouver un emploi.

Après avoir éliminé la dette provinciale, le chevalier n'avait plus d'ennemis à occire. Ralph Klein a alors décidé de s'en prendre au réseau de santé public, afin de laisser davantage de place au secteur privé.

Il a quitté la politique en 2006, après un timide vote de confiance dans les rangs mêmes de son parti. M. Klein a ensuite été très peu célébré par sa formation politique, qui semblait vouloir s'éloigner d'un personnage gênant.

Ralph Klein a ensuite prononcé des conférences colériques devant les étudiants de Calgary à propos de l'amour des médias pour les conflits et la confrontation. Pour certains, il a atteint le fond du baril en 2010, lorsqu'il régnait dans sa propre émission de télévision diffusée sur le câble: installé sur un faux trône en or, il se prononçait sur des questions politiques sans importance.

En 2012, M. Klein, déjà très diminué, a reçu l'insigne d'officier de l'Ordre du Canada, une reconnaissance bien tardive selon certains. C'est sa femme Colleen qui avait accepté la décoration en son nom.