L'ex-ministre Line Beauchamp a dû se faire prier par sa collègue Michelle Courchesne pour accepter de serrer la main du leader étudiant Gabriel Nadeau-Dubois au cours d'une négociation, selon un nouveau livre qui se penche sur les coulisses du conflit étudiant du printemps dernier.

L'ouvrage revient sur ce mouvement depuis ses premiers jours, toujours selon le point de vue de l'état-major de la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE). Un départ réglé au quart de tour dans les mois précédents. Chaque établissement a reçu un score sur la base du nombre de jours de grève observés dans le passé, de la popularité de ses assemblées générales et du profil socioéconomique de ses étudiants. C'est finalement un tableau Excel qui aura en grande partie décidé de l'ordre de marche.

«Un déclenchement de grève, ce n'est pas spontané. Ça ne se fait pas en claquant des doigts», a expliqué Renaud Poirier-St-Pierre, en entrevue avec La Presse la fin de semaine dernière. C'est lui qui s'est occupé des relations de presse de la CLASSE pendant tout le conflit et qui signe, avec son collègue Philippe Éthier, De l'école à la rue. La publication sera en librairie vendredi.

Manoeuvres

«Tout avait été pensé, même la durée de la grève: la CLASSE croyait alors qu'elle allait s'étendre sur un maximum de huit semaines», admettent les deux militants. Le boycottage des cours s'est finalement étendu sur plusieurs mois. En juin, quatre mois plus tard, les rues de Montréal étaient encore le théâtre d'affrontements entre étudiants et forces de l'ordre.

Parmi les autres révélations contenues dans les quelque 200 pages du livre, on compte les manoeuvres utilisées par la CLASSE lors de ses points de presse.

Dès le début du mouvement, Gabriel Nadeau-Dubois aurait piégé ses homologues des fédérations étudiantes en rendant publique une solidarité factice, créée de toutes pièces.

«Il est allé jusqu'à dire dans le point de presse: "Aujourd'hui, nous annonçons que nous n'irons pas négocier l'un sans l'autre". Il n'avait évidemment pas prévenu les présidents des fédérations», relatent les auteurs, qui ajoutent que le stratagème a été très mal perçu par Léo Bureau-Blouin et Martine Desjardins.

C'est encore une manoeuvre qui a permis à la CLASSE de se donner une image d'interlocuteur calme, alors que le chaos régnait à Victoriaville. Le gouvernement exigeait un appel au calme pour continuer les discussions. Gabriel Nadeau-Dubois a alors offert trois phrases creuses aux journalistes réunis à Québec, avant de partir rapidement, sans répondre à une seule question. Ce sont les fédérations étudiantes, beaucoup plus conciliantes, qui ont répondu aux questions.

«On voulait donner l'impression de faire un appel au calme, mais sans en faire un», s'est rappelé M. Poirier-St-Pierre en entrevue. Une telle sortie aurait dépassé la marge de manoeuvre accordée au porte-parole et fâché les militants, selon lui. «Tous les médias affirmeront par la suite que toutes les associations étudiantes ont fait un appel au calme. Le plan a fonctionné», écrivent les auteurs dans leur livre.