Un ancien cadre montréalais de SNC-Lavalin qui affirme avoir dénoncé à l'interne les commissions secrètes promises pour mettre la main sur un contrat public en Angola prétend qu'il a été congédié injustement parce qu'il avait sonné l'alarme. Il réclame maintenant 1,2 million à son ex-employeur en guise de compensation.

La Presse a révélé le mois dernier comment la firme avait congédié en catimini Joseph Salim, un ingénieur montréalais qui affirme avoir fait une longue carrière sans tache dans l'industrie.

Dans sa poursuite, qui vient d'être déposée au palais de justice de Montréal, M. Salim confirme que SNC-Lavalin lui a annoncé qu'il était renvoyé «à la suite de votre enquête sur notre implication dans le projet Matala».

Le projet de réfection d'un barrage angolais, d'une valeur de 250 millions, était convoité depuis 2005 par SNC-Lavalin, allègue la poursuite. Mais il fallait traiter avec le gouvernement de l'Angola. La firme de génie-conseil aurait recruté l'entreprise angolaise Toptrade à titre de «consultant pour approcher et traiter avec le client pour négocier et obtenir le contrat du projet Matala», toujours selon la poursuite.

Toptrade aurait réussi à obtenir le contrat pour SNC-Lavalin auprès du gouvernement de l'Angola, mais elle exigeait en échange une commission équivalente à 10% de la valeur du contrat.

Joseph Salim, qui était un des responsables du projet, affirme que la haute direction de SNC-Lavalin a cherché à camoufler cette immense commission qui devait être versée à un intermédiaire pour remporter le contrat.

Une nouvelle entente aurait donc été signée avec Toptrade, qui prévoyait officiellement le versement d'une commission de 5% , et le versement d'une deuxième tranche de 5% de façon détournée, par l'entremise de supposés contrats de services à une firme d'ingénierie, qui prendrait livraison de l'argent destiné à Toptrade.

Dans sa poursuite, Joseph Salim affirme qu'il a été informé que Pierre Duhaime, alors PDG de SNC-Lavalin, était d'accord pour payer Toptrade de cette façon non conventionnelle.

Puis, en mars 2012, lorsqu'a éclaté au grand jour une controverse sur des paiements douteux de commissions et des trous dans les finances de SNC-Lavalin, l'ordre aurait été donné de signaler au contrôleur financier de l'entreprise tout paiement à des «représentants» externes acquitté autrement que par des contrats bilatéraux en bonne et due forme.

Selon sa requête, Joseph Salim «croyait que cette enquête serait l'occasion pour lui d'être un dénonciateur pour mettre à jour et résoudre toute impropriété découlant de la méthode de paiement».

Peu après avoir dénoncé le stratagème en long et en large, il a été congédié.

«Il ne pouvait que présumer que la raison pour son renvoi est qu'il a osé être le dénonciateur, alertant [SNC-Lavalin] au sujet de l'anomalie du stratagème qui était apparemment mis sur pied par la haute direction pour cacher les vrais frais commerciaux du projet Matala», précise sa requête.

Leslie Quinton, porte-parole de SNC-Lavalin, est restée peu loquace sur cette affaire lorsque La Presse l'a jointe, hier.

«Selon notre politique d'entreprise et la loi, SNC-Lavalin ne peut et ne veut pas commenter le dossier personnel d'un ex-employé ou les raisons de son départ. Cependant, nous pouvons affirmer qu'il est capital et obligatoire pour tout le personnel de respecter l'esprit et la lettre de notre code d'éthique».

Au moment de mettre sous presse, Joseph Salim n'avait pas rappelé La Presse.

Un autre ancien cadre de la firme de génie-conseil, Stéphane Roy, poursuivait déjà l'entreprise pour congédiement abusif. Il prétend avoir suivi la «culture corporative» en autorisant le paiement de commissions controversées en Libye.