À l'appel de «Put back the flag», une association contre la discrimination basée sur la langue, environ 200 personnes se sont réunies dimanche devant les bureaux de la première ministre, Pauline Marois, pour exhorter le Parti libéral et la Coalition Avenir Québec (CAQ) à voter contre le projet de loi 14, qui prévoit la modification de certaines dispositions de la Charte de la langue française.

Parfois en français, parfois en anglais, les organisateurs et participants se sont adressés à la foule pour dénoncer les changements envisagés, dont l'obligation pour les entreprises de 26 employés et plus de fonctionner en français, la révision du statut bilingue pour certaines municipalités et la réforme de l'accès aux cégeps anglophones pour les étudiants de langue française.

Si les organisateurs se sont dits francophiles et soucieux de permettre à l'ensemble des Québécois d'être bilingues «pour mieux intégrer le marché du travail», les commentaires étaient parfois moins nuancés dans la foule. Entre des affiches indiquant que «l'anglais est aussi une langue québécoise», un homme vêtu d'un chandail «Québec un pays» évoquait «le génocide culturel des francophones». Plus loin, des femmes se réchauffaient en s'insurgeant des choix politiques du Parti québécois, qui préfère à leur avis «porter le carré rouge et jouer de la casserole» ainsi que financer l'Office de la langue française, ce «bully de la langue» dont les actions font penser à celle de la Gestapo, selon l'une d'elles.

Pour Antoinette Mercurio, une porte-parole de l'événement, le débat concerne surtout la possibilité pour les Québécois de travailler dans la langue qu'ils désirent. «C'est une loi injuste et inéquitable», a-t-elle lancé. «La plupart des anglophones sont comme moi, ils parlent déjà les deux langues. Le français ne perd pas de terrain.» Les données du recensement 2011 indiquent que la proportion de la population québécoise qui utilise le plus souvent le français à la maison a légèrement diminué, passant de 82,7% en 2006 à 82,5 % en 2011. La part de Québécois qui parlent uniquement français dans leurs foyers a elle aussi baissé, de 75,1% en 2006 à 72,8 % en 2011. En revanche, les immigrants dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais sont de plus en plus nombreux à parler la langue de Molière à la maison.

Les libéraux ont déjà annoncé leur intention de s'opposer au projet de loi 14. Les caquistes, eux, sont plus prudents. «On n'a pas encore annoncé notre position sur tous les articles du projet de loi, mais on comprend que les manifestants ont certains irritants, car on en a nous aussi», a indiqué le porte-parole de la CAQ Jean-François Del Torchio. «On va tenter d'améliorer certains aspects du projet de loi.» Ce dernier sera débattu au cours d'audiences publiques prévues en mars. L'une de propositions les plus controversées du Parti québécois, celle d'empêcher la fréquentation de cégeps anglophones aux étudiants francophones, a finalement été abandonnée dans le projet de loi. La nouvelle proposition exigerait des étudiants des cégeps anglophones qu'ils réussissent un examen de français pour obtenir leur diplôme.