Depuis cinq ans, 13 personnes sous le coup d'un ordre d'expulsion du Canada ont réussi à s'échapper alors qu'elles étaient sous la garde d'agents des services frontaliers, a appris La Presse.

En 2007, le ministre fédéral de la Sécurité publique avait pourtant demandé que des actions soient prises pour éviter que de tels incidents se produisent.

La dernière évasion est survenue le 15 février 2012, selon les documents obtenus auprès de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Mario Fidelio Casco Arias, originaire du Honduras, devait prendre un vol de Vancouver en direction du Costa Rica, avec escale à Toronto. L'homme avait purgé 42 jours de prison au Canada pour trafic de drogue. Il avait également plusieurs antécédents criminels aux États-Unis.

En raison d'une «erreur administrative», aucun agent ne l'a accompagné sur le vol Vancouver-Toronto. Personne n'a été assigné non plus à l'aéroport Pearson pour l'escorter à son vol de départ. Arrivé à Toronto, il a pu prendre la poudre d'escampette sans ennui.

Un cas similaire était survenu à peine trois semaines plus tôt, le 29 janvier, encore une fois à l'aéroport Pearson. Freddy Roland Crawford Venegas, qui devait prendre un vol vers le Chili, a filé en douce lorsque les agents de sécurité enregistraient ses bagages au comptoir. Il avait été arrêté pour vol à l'étalage en août 2011, mais n'avait pas d'antécédents criminels.

Selon les documents de l'ASFC, les agents - employés d'une firme de sécurité sous-traitante - n'ont pas respecté les procédures. Le prévenu n'était pas menotté et ils avaient permis que des membres de sa famille l'accompagnent à l'aéroport et lui remettent 1000$ en argent comptant avant son départ.

Toujours recherchés

Parmi les 13 personnes ayant réussi à filer entre les doigts du service frontalier depuis cinq ans, au moins sept ont des antécédents criminels. Des 13, cinq seraient toujours au large, dont le Hondurien. Le Chilien a été arrêté en novembre.

L'ASFC rechercherait en outre une «jeune Mexicaine» qui s'est échappée au Québec. Selon les documents, les deux gardiens chargés de l'escorter ont quitté la zone d'embarquement avant le départ de l'avion.

Michel Juneau-Katsuya, ancien cadre au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et spécialiste en sécurité nationale, convient que peu de personnes se sont échappées, si l'on considère que l'an dernier seulement, 18 600 personnes ont été expulsées au pays. «Treize, ce n'est pas beaucoup, mais c'est treize de trop, dit M. Juneau-Katsuya. Le problème, c'est que ça démontre une certaine faiblesse dans le système. Si cette faiblesse n'est pas corrigée, un jour, quelqu'un de beaucoup plus dangereux va nous filer entre les doigts.»

Ces cas ne sont pas les premiers à survenir au Canada. Fin 2007, un Irakien qui arrivait de Paris avait réussi à s'enfuir à son arrivée à l'aéroport Pearson. L'homme, qui voyageait avec un faux passeport, avait été laissé sans surveillance dans une salle d'attente. À la demande de Stockwell Day, à l'époque ministre de la Sécurité publique, l'ASFC avait rappelé les procédures à son personnel et réaménagé la salle d'attente.

Comment expliquer que l'histoire se répète? La directrice des communications du ministre de la Sécurité publique, Julie Carmichael, a simplement répondu par courriel que «toute personne qui s'évade lors de leur expulsion fera l'objet d'un avis de recherche et [que] les autorités vont les retracer».

L'ASFC a pour sa part indiqué que des mesures correctives ont été apportées depuis les deux incidents de l'hiver 2012. Les agents doivent désormais s'assurer que les individus expulsés demeurent menottés jusqu'à ce qu'ils embarquent dans l'avion, empêcher que des amis et des membres de la famille les accompagnent jusqu'à la porte d'embarquement et voir à ce que leurs effets personnels ne leur soient rendus que lorsqu'ils ont pris place dans l'avion.

L'agence de sécurité en sous-traitance a versé à l'ASFC 8500$ en dommages.

- Avec William Leclerc