Le commissaire au lobbyisme du Québec, Me François Casgrain, aura à l'oeil Saint-Bruno-de-Montarville, après avoir pris connaissance d'une vidéo tournée durant une réunion du conseil municipal au cours de laquelle sont évoqués les liens entre le maire Claude Benjamin et le sénateur Paul Massicotte.



Le sénateur Massicotte est le promoteur d'un projet immobilier controversé à Saint-Bruno. Claude Benjamin reconnaît qu'il l'a rencontré à deux reprises, l'une au début de l'année 2006, l'autre en 2011 ou 2012. Or, Paul J. Massicotte, sénateur fédéral nommé par Jean Chrétien en 2003, n'a jamais été inscrit au registre des lobbyistes du Québec.

M. Massicotte a acheté un terrain adjacent au parc national du Mont-Saint-Bruno, dit le bois des Hirondelles, où il entend construire une trentaine de maisons de luxe. Un groupe de citoyens s'oppose à ce projet et talonne le maire depuis plusieurs années.

«La vidéo a interpellé Me Casgrain, a dit Émilie Giguère, directrice des communications du Commissaire au lobbyisme. Il va prendre contact avec le maire pour s'assurer que les élus et les fonctionnaires comprennent bien les règles d'éthique établies par la loi. Il entend aussi poser des questions sur le projet immobilier.»

Le Commissaire ne peut lui même intenter de poursuites, et le Directeur des poursuites criminelles et pénales a un an pour porter des accusations, si bien que, s'il y a infraction, elle est prescrite. Le ministre responsable des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, souhaite d'ailleurs renforcer les pouvoirs du Commissaire au lobbyisme.

«Il y a actuellement dans la loi des échappatoires qui l'affaiblissent, a déclaré le ministre en entrevue à La Presse Canadienne dimanche dernier. Il y a des groupes, des entreprises, des lobbys, qui devraient s'inscrire à la loi, qui ne s'inscrivent pas ou qui ne s'inscrivent pas correctement.»

Dans la vidéo, tournée lors de la réunion du 20 février 2012, le maire explique que c'est le promoteur qui a demandé à le rencontrer la première fois. «Nous venions d'être élus depuis quelques semaines et il entendait nous exposer un projet de développement que nous ne connaissions pas.»

Claude Benjamin précise qu'il a alors invité le sénateur à entrer en contact avec le service d'urbanisme de la Ville. Paul Massicotte n'était pas encore propriétaire du terrain, qu'il a acheté du club de golf Mont Bruno le 28 mars 2006.

La deuxième rencontre a eu lieu environ six ans plus tard, à la demande du maire. Claude Benjamin voulait annoncer au promoteur qu'il avait maintenant le feu vert de la Ville. «Nous voulions savoir s'il entendait toujours aller de l'avant avec son projet.»

Au cours de la réunion, le maire affirme plus d'une fois qu'il ne s'agit pas de lobbyisme. À la conseillère de l'opposition, Michèle Archambault, il répond sèchement qu'il considère qu'il n'y a pas eu d'activité de lobbyisme. «Je n'ai pas besoin de lire (la loi), dit-il. J'ai tout lu la loi.»

Fait à souligner, Saint-Bruno a adopté une Politique de gestion contractuelle en décembre 2010. L'article 2.2.2.4 stipule que «l'élu ou l'employé municipal peut vérifier si la personne qui cherche à l'influencer est inscrite au registre des lobbyistes». Il est également mentionné qu'en cas de non respect de la loi, l'élu ou l'employé doit en aviser le Commissaire au lobbyisme.

Le maire Benjamin a refusé de parler à La Presse. Par le biais de la chef des communications de la ville, Suzanne LeBlanc, il a mentionné qu'il n'a jamais été l'objet de lobby et qu'il lui fera plaisir de parler au Commissaire au lobbyisme.

La seule conseillère de l'opposition, Michèle Archambault, explique que sa formation politique, le Parti montarvillois, avait songé à porter plainte au Commissaire au lobbyisme. «Nous ne l'avions pas fait finalement puisqu'aucune sanction ne pouvait être imposée en raison des délais de prescription. Mais je ne peux que me réjouir de cette nouvelle.»

Saint-Bruno a récemment fait les manchettes après la diffusion sur YouTube d'une vidéo où l'on voit la police expulser plusieurs citoyens de la salle du conseil sur ordre du maire. De nombreuses interventions citoyennes portaient alors sur le projet immobilier du bois des Hirondelles.

Photo archives La Presse

Paul Massicotte