Le garde du corps employé par les dirigeants de SNC-Lavalin afin de protéger le fils de Mouammar Kadhafi et de présenter «un autre visage» du conflit libyen de 2011 vient d'être condamné à être expulsé du Canada pour sa participation à des crimes de guerre et au trafic de personnes.

La section ontarienne de la Commission d'immigration et du statut de réfugié a rendu sa décision mardi dans le dossier de Gary Peters, Australien d'origine qui s'était installé depuis 2002 au Canada. Elle statue uniquement sur le cas de M. Peters, et pas sur ses commanditaires.

«La preuve et les témoignages incluaient des affirmations selon lesquelles les services de M. Peters ont été retenus pour assurer la sécurité de membres de haut rang du régime Kadhafi entre 2006 et 2011, et qu'il était associé de près à la direction du régime avant et pendant le conflit libyen de 2011», a résumé Ana Pape, porte-parole de la Commission, lorsque La Presse l'a jointe. Des crimes de guerre ont été attribués au régime à cette époque.

Les représentants de l'Agence des services frontaliers du Canada ont aussi présenté des preuves selon lesquelles Peters se serait livré à du trafic de personnes en organisant la fuite de trois fils du dictateur, dont Saadi Kadhafi, alors que les rebelles aidés par le Canada et ses alliés gagnaient du terrain. Saadi Kadhafi était très impliqué dans le gouvernement de son père et commandait les forces spéciales du régime. Il était aussi un interlocuteur privilégié des dirigeants de SNC-Lavalin.

Missions et pots-de-vin

Le garde du corps Gary Peters est intimement lié à l'enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sur les liens entre le régime Kadhafi et les anciens cadres supérieurs de SNC-Lavalin, comme Riadh Ben Aïssa et Stéphane Roy.

Selon un document assermenté déposé en cour par le corps policier, SNC-Lavalin aurait payé les dépenses de Saadi Kadhafi lorsque celui-ci est venu en visite à Toronto, en 2009. Des messages de dirigeants de la firme obtenus par les enquêteurs laissent entendre que la sécurité avait été confiée à Peters, ce que ce dernier a déjà confirmé.

La firme de génie-conseil québécoise avait aussi financé une mission de Peters en Libye en juillet 2011 au coût de 740 000$, qui avait pour but de présenter un point de vue favorable au régime, en plein coeur du conflit meurtrier.

C'est Stéphane Roy, alors vice-président aux finances de la division construction de SNC-Lavalin, qui finançait les activités de M. Peters. M. Roy agissait sous les ordres de M. Ben Aïssa.

Après enquête, la GRC a conclu que le groupe avait comploté pour orchestrer l'exil de Saadi Kadhafi et de sa famille vers le Mexique.

Selon des allégations contenues dans les documents de la GRC, SNC-Lavalin a versé pas moins de 160 millions en pots-de-vin au régime Kadhafi, ce qui lui a permis d'obtenir de juteux contrats en Libye pendant des années.

Gary Peters n'a pas de droit d'appel devant la Commission, mais il pourrait demander à la Cour fédérale de revoir la décision de l'expulser.