Parti au combat il y a 68 ans, un militaire québécois de la Seconde Guerre mondiale est réapparu à sa famille dans La Presse.

Le 10 novembre dernier, La Presse a publié un article sur André Martin, un vétéran officier qui était espion durant la Seconde Guerre mondiale.

Pour illustrer l'article, nous avions choisi une photo d'archives du Régiment de Maisonneuve, à Farnham, dont M. Martin faisait partie. Prise en 1943, la photo en noir et blanc (en haut à gauche) montre des dizaines de soldats qui sont en marche pour se rendre aux manoeuvres. Ils sont menés par un officier au regard déterminé, vêtu d'un pantalon court, d'une chemise boutonnée jusqu'au cou et d'un béret qui recouvre ses cheveux foncés coupés courts.

La lectrice Francine Renaud a posé les yeux sur la photo. Son regard s'est arrêté sur l'officier.

«Mon père», s'est-elle dit.

Un examen attentif d'une version agrandie de la photo a mis fin à ses doutes.

«Il s'agit bel et bien de mon père, le lieutenant Guy Renaud, explique-t-elle en entrevue téléphonique. Il était officier au Régiment de Maisonneuve. Je n'avais jamais vu cette photo de lui.»

Mme Renaud n'avait que 2 ans lorsque son père a été envoyé à la guerre. Guy Renaud, qui travaillait comme comptable à Montréal, s'est enrôlé dans l'armée de son propre chef.

«Il s'est inscrit avant qu'on sache qu'il y aurait la conscription. C'est mon grand-père qui lui avait suggéré de le faire. Mon père était marié et devait subvenir aux besoins de deux enfants en bas âge. Il n'aurait sans doute pas été obligé d'aller à la guerre s'il ne s'était pas porté volontaire.»

Mme Renaud remarque que la Seconde Guerre mondiale est aujourd'hui vue comme une page d'histoire, et non comme un événement qui a déchiré la vie des familles québécoises.

«Aujourd'hui, les jeunes voient la guerre à travers des jeux vidéo. C'est une chose excitante. Les jeux ne traduisent pas l'horreur et la tragédie humaine qui font partie de la guerre.»

Normandie

Le lieutenant Guy Renaud est débarqué le 26 juillet 1944 à Courseulles-sur-Mer, en Normandie.

Le 4 août, après 10 jours passés dans un enfer de feu et de sang, il est mort pour sa patrie, entre Caen et Falaise. Il avait 27 ans.

Plus de 40 000 soldats alliés sont morts cet été-là en Normandie.

Sa femme, Mariette Petitclerc, a reçu une pension du gouvernement, mais celle-ci était insuffisante pour élever deux enfants.

«Du jour au lendemain, la vie de ma mère a basculé. Elle a dû se débrouiller. Elle a suivi une formation et est devenue secrétaire. Elle a réussi à nous faire faire des études supérieures. Mon frère est devenu avocat et je suis devenue diététicienne.»

Mme Renaud note que son fils compte bientôt amener son propre garçon en Normandie, pour lui faire visiter les lieux où la guerre s'est déroulée, ainsi que la tombe de son grand-père.

Au Musée canadien de la guerre, à Ottawa, Mme Renaud a vu plusieurs médailles de militaires morts au combat. Elle possède elle-même les médailles de son père, mais ne songerait jamais à les donner à un musée, et encore moins à les vendre, comme ça arrive parfois, dit-elle.

«Les médailles, c'est ce qu'il nous reste. Ça représente le sacrifice que mon père a fait. Je serais incapable de m'en départir.»

Mme Renaud a été surprise de voir une photo de son père dans le journal, par un beau jour du mois de novembre 2012.

«C'est comme s'il était venu nous dire coucou.»