L'aide fédérale à Terre-Neuve pour son projet hydroélectrique de Muskrat Falls, au Bas-Churchill, constitue une «concurrence déloyale», tonne le ministre des Affaires intergouvernementales, Alexandre Cloutier. «Le fédéral va subventionner l'hydro-électricité de Terre-Neuve alors que les Québécois ont toujours payé eux-mêmes pour leur électricité.»

«Le fédéral utilise nos impôts pour nous concurrencer», a-t-il ajouté.

L'opposition partage ses inquiétudes. Par «sa force financière», le gouvernement fédéral «change les règles du jeu» et concurrence Hydro-Québec, regrette Raymond Bachand. «C'est un précédent dangereux», renchérit François Legault, chef de la Coalition avenir Québec (CAQ). 

De plus, ce projet pourrait ne pas être rentable, ajoute la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet. On estime à 14,3 cents/kwh le coût de la production de l'électricité à Muskrat Falls, dit-elle. «C'est deux fois le coût de production à La Romaine.» Et le prix de l'électricité a baissé sur le marché américain, rappelle-t-elle.

L'Assemblée nationale avait déjà condamné unanimement l'aide fédérale en avril 2011. L'Ontario avait aussi réagi défavorablement, sans que cela émeuve M. Harper.

Que peut faire Québec? Le ministre Cloutier étudier «toutes les options». L'aspect juridique «sera examiné de fonds en comble»,promet-il, pour voir si des poursuites peuvent être intentées. Mais des experts en droit commercial ont déjà estimé que Québec aurait peu de recours.

M. Cloutier ne prévoit pas demander de compensation au fédéral. «On n'en est pas là, parce que jamais on ne va accepter que le fédéral empiète dans nos compétences», lance-t-il.

La CAQ croit que Hydro-Québec devrait «envoyer une facture à Ottawa» pour recevoir elle aussi de l'aide, par exemple pour La Romaine. «Un précédent a étécréé. Ce qui est bon pour Terre-Neuve devrait être bon pour le Québec», dit M. Legault. Selon lui, Mme Marois n'a "aucune crédibilité" pour négocier avec Ottawa, car elle cherchera selon lui à démontrer que le fédéralisme ne fonctionne pas.

L'Assemblée nationale avait déjà condamné unanimement l'aide fédérale en avril 2011. L'Ontario avait aussi réagi défavorablement, sans que cela émeuve M. Harper.

Que peut faire Québec? Le ministre Cloutier étudier «toutes les options». L'aspect juridique «sera examiné de fonds en comble», promet-il, pour voir si des poursuites peuvent être intentées. Mais des experts en droit commercial ont déjà estimé que Québec aurait peu de recours.

M. Cloutier ne prévoit pas demander de compensation au fédéral. «On n'en est pas là, parce que jamais on ne va accepter que le fédéral empiète dans nos compétences», lance-t-il.

Une annonce aujourd'hui

Le premier ministre Stephen Harper annoncera vendredi au Labrador la garantie de prêt de plusieurs milliards de dollars promise à Terre-Neuve au cours de la dernière campagne électorale pour son projet hydroélectrique.

Le chef conservateur avait promis de cautionner une éventuelle créance à hauteur de 4,2 milliards de dollars. On ignore quelle sera la somme annoncée aujourd'hui.

«Le projet de Muskrat Falls engendrera des bénéfices importants pour la région de l'Atlantique. Il aidera substantiellement à réduire les émissions de gaz à effet de serre», a fait valoir hier le secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, David Anderson.

Cet ambitieux projet de près de 8 milliards de dollars est né de la volonté de l'ancien premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador Danny Williams de contourner le Québec. Les deux provinces ne s'entendaient pas sur les modalités de transmission du potentiel hydroélectrique du Labrador par le Québec.

Le tracé retenu implique l'installation de deux câbles sous-marins de plus de 100 km entre le Labrador et Terre-Neuve, puis entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. La firme de génie montréalaise SNC-Lavalin en est le maître d'oeuvre.

Controversé aussi dans le reste du Canada

Le projet de Muskrat Falls n'est pas controversé qu'au Québec: dans les provinces atlantiques et à Ottawa, on dénonce le fait qu'il n'y a pas eu d'évaluation publique ni d'étude de marché pour l'électricité produite, notamment.

À Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, on craint aussi qu'Hydro-Québec ait recours aux tribunaux pour bloquer le détournement d'un potentiel hydroélectrique susceptible de lui être garanti par un contrat qui date de 1969.

Par ailleurs, le ministre des Affaires intergouvernementales, Peter Penashue, n'a pas réagi hier aux révélations de la chaîne APTN selon lesquelles certains de ses proches auraient déjà obtenu un contrat dans ce projet. La circonscription du ministre couvre tout le Labrador.