Il fait peur et fait les manchettes à chacune de ses attaques. Le pitbull fait l'objet d'une véritable chasse aux sorcières sur les cinq continents, mais aussi dans de nombreux arrondissements du Grand Montréal. Pourtant, il n'est pas l'unique responsable des quelque 164 000 morsures recensées au Québec chaque année (sondage Léger Marketing, 2010). En tête du classement des chiens ayant le plus de mordant figure un quatuor des plus surprenants: le berger allemand, le cocker, le rottweiler et le golden retriever.

C'est ce que démontre l'une des très rares études qui se sont penchées sur la race des chiens ayant mordu une personne, menée en 1997 par le Système canadien hospitalier d'information et de recherche en prévention des traumatismes.

Éducatrice et comportementaliste pour chien, Gabrielle Dufresne est appelée à travailler fréquemment avec des chiens ayant des problèmes d'agressivité ou de peurs incontrôlables.

«Je travaille avec des chiens depuis 25 ans. Les propriétaires de pitbull sont une partie de ma clientèle. Les gens font appel à moi pour des problèmes de base, surtout parce que leur chien saute sur les gens et est trop enthousiaste. C'est rare que je me retrouve devant un pitbull en situation de comportement grave», explique-t-elle.

«Il n'y a pas de mauvais chiens, mais de mauvais comportements. En 17 ans de carrière, je n'ai vu qu'un seul chien incontrôlable. Il était très difficile et mordait beaucoup... C'était un petit bâtard!»

«Je vois des chiens réactifs toutes les semaines. Ce n'est pas parce qu'un chien a mordu une fois qu'il faut l'euthanasier. La morsure est souvent le résultat de la peur et de l'anxiété, deux choses qu'on peut très bien traiter», explique quant à lui Jean Lessard, éducateur canin comportementaliste à l'hôpital vétérinaire Rive-Sud et Laval.

Ce sont donc les intentions des maîtres qui doivent être remises en question et non l'agressivité par nature d'une race. Certains propriétaires de pitbull conditionnent en effet leur chien à devenir agressif. Les chiots sont soumis à un régime d'endurance qui consiste à les priver de nourriture et à leur faire subir des réprimandes physiques pour, enfin, récompenser leur comportement agressif.

«J'ai déjà vu quelques cas graves de chiens agressifs. Je les évalue sur une échelle de 1 à 10 [10 étant le plus haut niveau d'agressivité], et en 10 ans, je n'ai eu que trois pitbulls», précise la comportementaliste.

Plus «gentils» que la moyenne

Menée en décembre 2010 aux États-Unis, une étude de la Société américaine des tests comportementaux révèle que le pitbull américain a obtenu une note de tempérament de 83,9%, alors que celle de la population canine générale culmine à 80,4%. En clair, cela signifie que les pitbulls sont plus «gentils» que la moyenne des chiens.

«C'est une race extrêmement polyvalente, très déterminée, très intelligente et qui n'aboie pas. Si on sait canaliser son énergie, c'est un chien d'intérieur calme. J'aime les comparer à des joueurs de football américain: ils sont très agiles, très forts, aiment le contact et sont capables de résoudre des problèmes», explique Gabrielle Dufresne.

Alors que les cas de morsures par un pitbull sont répertoriés de manière systématique dans les médias, le portrait est bien différent pour les autres races. «J'ai un golden retriever en traitement qui a ouvert à deux reprises la main de son propriétaire. J'ai moi-même un pitbull et il s'est fait attaquer quatre fois en quatre ans!», lance la comportementaliste Gabrielle Dufresne.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, c'est le berger allemand qui était le tenant du titre. Mais les films et la populaire série télé Rintintin sauvera rapidement son honneur au détriment du doberman et du rottweiler, utilisés comme chiens de garde ou de protection par les militaires et entreprises de sécurité. Si le pitbull est d'abord désigné comme le «Nanny Dog» des États-Unis à cause de sa réputation de protecteur d'enfants (en vedette à la télévision dans The Little Rascals et mascotte des chaussures Buster Brow), dès les années 60 et 70, avec la progression des gangs de rues et la recrudescence des combats de chiens, il va rapidement devenir la nouvelle bête noire à abattre.

Mythe

Le pitbull ne lâche jamais prise et est doté d'une mâchoire ayant un mécanisme de verrouillage? Faux, même s'il a de puissants muscles maxillaires et beaucoup de détermination, selon le Dr Howard Evans, professeur émérite au College of Veterinary Medicine à l'Université Cornell et auteur du livre Anatomy of the Dog, le Dr Sandy deLahunta, neurologiste pour chiens, et la Dre Katherine Houpt, comportementaliste.

«Nous en venons tous à la conclusion que la force de morsure est proportionnelle à la taille de la mâchoire et des muscles de la mâchoire. Il n'existe aucune structure anatomique qui pourrait s'apparenter à un mécanisme de verrouillage chez aucun chien», disent-ils.

Mythe

Le docteur Brady Barr, de National Geographic, a étudié les morsures d'animaux, testant ainsi autant les humains, les chiens domestiques que des animaux sauvages.

Voici les chiffres qui sont ressortis de cette expérience analysant la pression en livre de la morsure.

> Humains: 120 lb

> Requins blancs: 600 lb

> Hyènes: 1000 lb

> Crocodiles: 2500 lb

> Chiens domestiques: 320 lb en moyenne

Un berger allemand, un pitbull terrier américain et un rottweiler ont été testés grâce à une manche de morsures équipées d'un ordinateur spécialisé. Il en ressort que le pitbull terrier américain a moins de pression que les trois autres chiens.

Le pitbull n'est pas une race, mais une description qui en rassemble plusieurs: pitbull terrier, Staffordshire bull-terrier, Staffordshire terrier américain, etc. Il vient de la famille des molossoïdes et est issu du croisement qui combinerait l'esprit de jeux du terrier avec la force et l'athlétisme du bouledogue anglais. Des caractéristiques qui lui valurent d'être recruté pour les combats entre animaux (avec des ours ou des taureaux) si populaires au Royaume-Uni au XIXe siècle. Son nom se rapporte ainsi à deux éléments: «fosse/arène» (pit en anglais) et bull (taureau).

48 morts au Canada depuis 1964, dont 1 seul cas impliquant un chien croisé labrador/pitbull

4 étaient au Québec (3 cas par un husky, 1 par un berger allemand)

Source: National Canin Council