Principale ombre dans l'embellie que connaît la criminalité au pays, les infractions à caractère sexuel visant des enfants sont parmi les rares crimes graves à connaître une progression. À eux seuls, les cas de pornographie juvénile ont explosé de 40% en un an, révèlent les données de Statistique Canada.

Les corps policiers canadiens ont rapporté en 2011 plus de 3100 cas de pornographie juvénile. Les infractions sexuelles contre les enfants, ce qui inclut les attouchements, sont également en hausse. Plus de 3800 ont été recensés l'an dernier d'un océan à l'autre. Cette hausse de 3% survient au moment où tous les autres crimes sexuels sont pourtant en baisse. La diminution est particulièrement marquée dans les agressions sexuelles graves, qui ont reculé de 23% l'an dernier.

Deux criminologues consultés par La Presse appellent toutefois à la précaution dans l'interprétation des chiffres sur les crimes sexuels impliquant des enfants. «Ces chiffres reflètent davantage les priorités des policiers qu'une tendance», dit Ronald F. Melchers, professeur de criminologie à l'Université d'Ottawa.

Cette hausse serait plus attribuable à un effort plus marqué à lutter contre ces crimes qu'à une vague. La diminution des autres crimes permettrait d'ailleurs aux corps policiers de dégager davantage de ressources pour les affecter à cette lutte. En témoigne l'augmentation de 10% des cas de leurre d'enfant au moyen d'un ordinateur. Ces crimes sont essentiellement détectés grâce à la mise en place d'escouades spécialisées. «Alors, jusqu'à un certain point, on doit être contents de voir une augmentation de ces crimes, ça veut dire que la surveillance porte ses fruits», résume M. Melchers.

Trop de crimes dans les médias ?

Drames familiaux. Tueurs fous. Piétons tués par des conducteurs ivres. L'obsession des médias pour les faits divers accentue le sentiment d'insécurité des citoyens tandis que, paradoxalement, la criminalité est à son plus faible, déplore le criminologue Marc Ouimet. Pour ce professeur de l'Université de Montréal, la qualité de vie de plusieurs en souffrirait.

«Un décalage se creuse et c'est la faute des médias, notamment des médias électroniques, qui consacrent une proportion importante de leur couverture aux crimes violents. Ça donne l'impression qu'il y a un problème de violence alors que ce n'est pas du tout le cas», constate ce professeur de l'Université de Montréal.

Ce phénomène n'est pas sans conséquence, déplore Marc Ouimet. Il rend certains citoyens inutilement craintifs. «Les gens ont un sentiment d'insécurité qui nuit à leur qualité de vie. Des gens ont peur de sortir parce qu'ils pensent que c'est épouvantablement dangereux dehors, alors que les chiffres disent totalement l'inverse.»