C'est un cauchemar qui ne finit pas. Expulsée vendredi dernier du Canada vers son pays d'origine, la Colombie, Johanna Martinez vit dans le sous-sol d'une église à Cali, avec ses quatre enfants.

«Je suis terrifiée, j'ai peur, mes filles ont peur, elles ne font que pleurer. Je n'ose même pas sortir, j'ai peur de tout, je crains pour ma vie et pour celle de mes filles.» Au téléphone, la jeune mère de famille est effondrée.

«Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour mériter ça?» Pendant plusieurs mois, Johanna Martinez, 37 ans, a tenté de rester au Canada et d'éviter le retour dans son pays d'origine.

Elle avait tenté de s'installer en Colombie avec son conjoint, Fernando Suarez, et deux de ses enfants en 2004, à la suite de près de deux décennies de vie clandestine aux États-Unis. Mais le séjour a tourné court: M. Suarez a été enlevé par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Prise de panique, Mme Martinez a fui pour le Canada. L'asile ne lui a pas été accordé, car sa demande a été jugée peu crédible.

Arrivé plus tard, M. Suarez a quant à lui été accepté comme réfugié, avant d'être condamné pour vol en 2005.

Le couple a donné naissance à deux filles, aujourd'hui âgées de 7 et 2 ans, toutes deux canadiennes. M. Suarez a toujours le statut de réfugié.

Sans statut, Johanna Martinez a quant à elle été expulsée avec ses deux filles aînées, nées aux États-Unis et citoyennes américaines, après avoir épuisé tous les recours judiciaires pour rester à Montréal. Avant son départ, elle a décidé d'emmener en Colombie ses deux filles canadiennes.

Leur père est resté au Canada.

«Notre départ a été horrible. Ma plus jeune a fait une scène à l'aéroport au moment de laisser son père. Elle était complètement déchaînée», raconte Mme Martinez, en pleurs.

Traitée en criminelle

Après la parution d'un reportage dans La Presse, au début du mois de juin, au sujet de l'expulsion de cette mère de famille et de deux de ses enfants, le ministre de l'Immigration Jason Kenney a qualifié, dans une sortie publique, Mme Martinez de fugitive au long passé criminel, en rappelant qu'elle a vécu aux États-Unis sous différentes identités dans sa jeunesse, et qu'elle y fait l'objet de mandats d'arrêt.

«Je croyais en la réhabilitation avant de venir au Canada. Je n'ai jamais caché mon passé. Je ne peux pas croire que j'ai été traitée comme la pire des criminelles», dit-elle.

Mme Martinez, qui n'a aucune famille en Colombie, a trouvé accueil avec ses filles dans une église grâce à son pasteur de Montréal. Elle vit dans le sous-sol, avec peu d'argent et peu d'espoir.

«C'est horrible et terrible, ce que je vis. Je ne sais plus quoi faire», dit-elle.