Ne cherchez plus de mérou, de rouget ou de sébaste de l'Atlantique chez Metro. En juin, la bannière a retiré de ses étals sept nouveaux poissons menacés. Depuis 2010, 14 espèces n'y sont plus vendues. Ses principaux concurrents - Sobeys-IGA et Loblaw-Provigo - ont aussi renoncé à offrir des produits surpêchés, quoiqu'en moins grand nombre. Un boycottage impensable il y a peu.

Même Greenpeace le reconnaît: les huit chaînes de supermarchés les plus importantes au Canada «ont accompli des progrès notables» depuis un an en matière d'approvisionnement durable des produits de la mer. Sept d'entre elles ont obtenu une note de passage de 50% ou plus au classement 2012 des supermarchés responsables de Greenpeace, alors qu'elles étaient à peine trois l'an dernier.

Parmi les chaînes présentes au Québec, Loblaw-Provigo arrive en tête du palmarès avec une note de 68%. La bannière a plus que triplé (de 22 à 73) son offre de produits certifiés par le Marine Stewardship Council (MSC), basé sur le Code de conduite des Nations unies pour une pêche responsable. Viennent ensuite Metro (56%), Sobeys-IGA (54%) et le cancre Costco (43%).

Poissons sans papiers

«La situation s'améliore dans les supermarchés, confirme Grant Vandenberg, professeur à la faculté des sciences de l'agriculture de l'Université Laval. Mais ils sont partis de loin!» Poissons mal étiquetés, issus de stocks bas, ont souvent été présentés au comptoir poissonnerie.

Le problème le plus urgent à régler? Le fait «qu'on n'a souvent pas l'origine des produits vendus dans les supermarchés, déplore Jean-Claude Brêthes, professeur d'océanographie biologique à l'Institut des sciences de la mer de Rimouski. C'est parfois indiqué que votre filet de saumon vient du Chili, mais ce n'est pas toujours le cas, alors qu'on sait très bien qu'il y a beaucoup de saumon d'élevage de là-bas dans nos supermarchés...»

Si on ne sait rien, impossible de faire un choix judicieux. «Les consommateurs veulent pourtant des produits plus verts», estime Charles Latimer, responsable de la campagne Océans de Greenpeace.

L'embauche d'un océanographe

Les chaînes semblent l'avoir enfin compris. Metro, par exemple, assure que ses produits de la mer frais et surgelés de marques Sélection et Irrésistible respectent sa politique de pêche durable. Depuis septembre 2010, ils proviennent de stocks dont le renouvellement est assuré ou de fermes piscicoles qui utilisent des méthodes durables, sont correctement étiquetés (nom scientifique, provenance, type de pêche) et favorisent l'économie locale.

Ce virage vers la pêche responsable n'a pas été facile à prendre. «On s'était donné un an pour y arriver, mais ça nous a pris 15 mois», indique Marie-Claude Bacon, directrice des affaires générales de Metro.

Prochain objectif: s'assurer que, d'ici à 2015, tous les produits d'épicerie contenant des ingrédients de source marine - du thon en conserve jusqu'à la nourriture pour chats - respectent la politique. Plus ambitieuses, Sobeys-IGA et Loblaw comptent y parvenir d'ici à la fin de 2013.

Le vrai test

«Le vrai test, c'est de voir si la mise en oeuvre de leur politique d'approvisionnement durable sera faite comme prévu, souligne M. Latimer. Il reste beaucoup de chemin à faire.»

Pour y arriver, Metro a carrément embauché un... océanographe, Michel Bélanger, en janvier 2011. Le scientifique a notamment veillé à ce que les poissons soient bien étiquetés. «Ce qui était vendu comme de la lotte n'en était pas, c'était de la baudroie, qui ressemble à la lotte», explique M. Bélanger. Le crabe d'Alaska, parfois originaire de Russie (!), a été rebaptisé «crabe royal». Quant à la truite saumonée, qui n'est pas un saumon, elle a été nommée «steelhead».

Dur de renoncer aux produits populaires

Greenpeace déplore que les chaînes ne renoncent pas aux produits très populaires que sont le saumon d'élevage, les crevettes tropicales (voir autre texte sur lapresse.ca) et d'autres espèces placées sur sa liste rouge de poissons à éviter. «On avance au rythme où on est capable d'avancer», fait valoir Mme Bacon.

«Il y a une conscientisation qui se fait dans les supermarchés, en matière de pêche durable, assure M. Brêthes, qui a conseillé Metro. L'industrie fait aussi les choses un peu plus proprement, de façon un peu plus écologique. De plus en plus d'écocertifications se mettent en place.»

Mais il reste des failles. «Je me suis laissé dire que, dans les poissonneries de Montréal, il peut y avoir des caisses de crevettes dites de Matane, alors qu'elles viennent du Mexique, indique M. Brêthes. Là où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Si on avait un meilleur système de traçabilité de l'origine des produits, ça améliorerait beaucoup les choses.»

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Il faut garantir des pêches durables, dit la FAO



L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a exhorté, hier, les gouvernements «à déployer tous les efforts possibles pour garantir des pêches durables à l'échelle mondiale». Un record de 128 millions de tonnes de poisson destinés à la consommation a été produit, en 2010.

«Les pêches et l'aquaculture apportent une contribution vitale à la sécurité alimentaire mondiale et à la croissance économique, a indiqué par communiqué Arni M. Mathiesen, chef du département des pêches et de l'aquaculture à la FAO. Toutefois, le secteur est confronté à toute une série de problèmes tels qu'une mauvaise gouvernance, des régimes d'aménagement des pêches précaires, des conflits sur l'utilisation des ressources naturelles, le recours persistant à de mauvaises pratiques halieutiques et aquicoles.»



Usage illégal de pesticides



Une filiale et trois hauts dirigeants de Cooke Aquaculture, le plus grand groupe d'aquaculture de saumon au pays, font face à 19 accusations liées à l'usage illégal de pesticides dans la baie de Fundy, au Nouveau-Brunswick. Glen Cooke, Randy Griffin et Michael Szemerda ainsi que l'entreprise Kelly Cove Salmon doivent subirent leur procès l'an prochain.

- Charles Côté

D'où vient le saumon acheté à l'épicerie?

> 81,5% : Atlantique Nord-Ouest (Maine et Maritimes)

> 12,3% : Pacifique Sud-Est (Chili)

> 6,2% : Atlantique Nord-Est (Norvège, Écosse, Irlande)

Note: Provenance de l'élevage du saumon atlantique acheté chez Metro entre le 15 décembre 2011 et le 7 mars 2012.

14 poissons en danger retirés des supermarchés du Québec

On ne peut plus acheter chez Metro, IGA et Loblaw-Provigo: bar du Chili, hoplostète orange, raie et requin.

Chez Metro et IGA : hoki de la Nouvelle-Zélande et thon rouge.

Chez Metro seulement : merluche, mérou, morue de l'Atlantique Ouest, poissons-perroquets, rouget, sébaste de l'Atlantique, vivaneau rouge du nord et vivaneau rouge du sud.

Palmarès Greeenpeace des supermarchés offrant des produits de la mer durables 2012

1. Overwaitea (présent dans l'Ouest canadien) : 72%

2. Loblaw (comprend Intermaché, Maxi et Provigo) : 68%

3. Safeway (présent dans l'Ouest canadien) : 63%

4. Metro (comprend Super C et Marché Richelieu) : 56%

5. Walmart : 55%

6. Sobeys (comprend IGA, Traditions, Rachelle-Béry): 54%

7. Co-op (présent dans l'Ouest canadien): 54%

8. Costco: 43%

Note : Pour obtenir un bon pointage, les chaînes doivent avoir un plan d'action précis d'approvisionnement en produits de la mer durables, ne pas vendre des espèces considérées comme menacées par Greenpeace Canada et faire preuve de leadership en matière de protection des océans.

Beaucoup de crevettes de Matane



Les débarquements québécois de crevette nordique ont atteint 21 824 tonnes en 2009, en hausse de 1 % par rapport à 2008. Mais la valeur de ces débarquements (23,2 millions de dollars) a diminué de 8,2 % en un an.

Source : Monographie de l'industrie québécoise de la crevette nordique, MAPAQ 2010.



Photo Marco Campanozzi, La Presse

«Le crabe des neiges, le homard du Québec et la truite d'aquaculture sont des super produits, en terme de durabilité, dit Michel Bélanger, océanographe récemment embauché par la bannière Metro. Il faut élargir son horizon.»