Pendant qu'à Québec, on planche sur le nouveau Colisée, à Laval, les études vont bon train pour la future Place Bell, où est attendu le club-école du Canadien. Or, ce projet cher aux députés libéraux de Laval en cette veille d'élections sera construit sur un sol instable et contaminé. De plus, les projections de coûts semblent optimistes. La Presse fait le point.

À Laval, la Place Bell sera construite sur un sol instable et contaminé, ce qui fait craindre des dépassements de coûts importants, a appris La Presse.

Le Complexe culturel et sportif de Laval, rebaptisé Place Bell, doit être érigé directement sur les restes de l'ancienne carrière Lagacé, appelée aussi Carré Laval. Le terrain donne sur le boulevard Saint-Martin, tout juste à l'ouest du palais de justice de Laval.

Au fil des ans, l'immense trou de 60 mètres de profondeur a été remblayé par des sols de diverses provenances, notamment des trois stations de métro à Laval excavées au milieu des années 2000. Or, ces sols n'ont pas été compactés, ce qui fait craindre pour leur stabilité. De plus, une partie est fortement contaminée, et des travaux de décontamination pourraient être nécessaires.

Le Groupe A.B.S. vient d'ailleurs de terminer une étude sur le sujet commandée par la Ville de Laval, a appris La Presse. Le rapport sera remis au comité exécutif de la Ville très prochainement. Il est requis pour les plans et devis de la Place Bell, mais aussi pour l'érection d'un éventuel stationnement à étages prévue dans la partie non remblayée de la carrière. Cette partie est couverte d'eau en permanence.

L'étude ferait mention d'un niveau de contamination important par endroits, selon nos informations. A.B.S. fera également des conseils concernant l'instabilité des sols.

La Place Bell comprendra trois patinoires, dont l'une sera ceinturée de gradins pouvant accueillir 10 000 spectateurs. Laval parle d'un projet de 120 millions, financé en partie par le gouvernement du Québec (46 millions). La firme evenko, associée au Canadien de Montréal, a été choisie comme gestionnaire. Les partenaires envisagent d'y déménager les Bulldogs de Hamilton, club-école du Canadien dans la Ligue américaine.

«Contraintes majeures d'aménagement»

En juillet 2010, la Ville a reçu une première étude de caractérisation des sols de la firme Laboratoires de construction 2000. Dans son rapport, que La Presse a obtenu, cette firme écrit que le Carré Laval présente des «contraintes majeures d'aménagement en raison de la forte épaisseur des remblais en place et de la profondeur à laquelle le roc est intercepté».

Le rapport exprime des réserves sur la possibilité d'y ériger un bâtiment. «Compte tenu de la forte épaisseur des remblais [...], il faudra recourir à des fondations spéciales. Cependant, le choix définitif devra être validé auprès de spécialistes en structures et en fondations spéciales. La très grande profondeur du roc pourrait compromettre la faisabilité de telles méthodes.»

Une des avenues envisagées par les experts est de construire l'amphithéâtre sur des pieux. Cependant, comme le roc est à 60 mètres de profondeur, les pieux devront avoir au moins cette longueur, ce qui correspond à une tour de 15 étages, soit environ le tiers de la Place Ville-Marie.

Vincenzo Silvestri, professeur à l'École polytechnique spécialisé en géotechnique, explique que les carrières remblayées posent souvent ce genre de problème, parce que les remblais peuvent se tasser de façon non uniforme. «Soixante mètres de pieux, c'est profond. Ça se fait, pas de problème, mais ça va engendrer des coûts. Forer des trous pour se rendre au roc coûte très cher», dit-il.

Marie-Josée Lamothe, présidente de la firme Northex Environnement, qualifie le défi de très important. Dans le cas d'une carrière très profonde remblayée, dit-elle, nul doute que le sol risque d'être instable. «Tout est faisable, mais il faut y mettre le prix», dit-elle.

La carrière a notamment été remblayée par les sols de la station de métro Cartier, dont l'emplacement a longtemps servi de dépotoir non autorisé, à l'époque où y passait le ruisseau Marigot. Au moment de la construction de la station Cartier, en 2004, l'entreprise Valmont-Nadon a d'ailleurs été prise en faute pour avoir déversé des sols contaminés dans la carrière.

Une autre partie du Carré Laval a servi de dépôt à neige durant plusieurs années. Ces neiges usées sont contaminées par l'épandage de sel ou de calcium, ainsi que par la présence d'ordures et de particules de métaux, selon le ministère de l'Environnement.

Trois sources nous disent que certains secteurs du Carré Laval ont un niveau de contamination de catégorie C, qui exige des travaux de décontamination. Sur place, La Presse a d'ailleurs pu constater la présence de bouts de tuyaux en acier et en béton, de détritus d'asphalte et de débris végétaux.

La contamination ne serait pas aussi importante que sur le premier terrain envisagé pour l'amphithéâtre de Québec. Le maire Régis Labeaume, rappelons-le, a été obligé de changer d'emplacement, car la décontamination aurait coûté plus de 30 millions.

À Laval, le porte-parole Marc Deblois confirme avoir jeté un oeil sur la version préliminaire de l'étude d'A.B.S. Il dit ne pas avoir de détails sur l'étendue de la contamination, mais soutient qu'en ce qui concerne la Place Bell, «le niveau de contamination ne représente pas un problème pour la construction dans les budgets prévus». Le rapport d'A.B.S. sera soumis au ministère de l'Environnement pour approbation.

Concernant les sols instables, il se dit confiant. «Il y a encore beaucoup de travail à faire avant d'aller plus loin. Je comprends qu'il y a des défis techniques, mais on n'est pas rendus là. Il est prématuré de parler d'augmentation de coûts. Nous n'avons pas encore les plans et devis», a-t-il dit.