Le nombre d'incendies de ferme augmente au fil des ans au Québec. Des événements particulièrement tragiques, qui soulèvent des questions sur leurs causes et le manque de prévention. «Un feu de maison est toujours un drame, fait observer Benoit Girouard, président d'Union paysanne. Mais un feu de ferme l'est encore plus, puisque c'est aussi notre travail qui part en fumée.»

Plus de 200 incendies de bâtiment agricole sont comptés chaque année au Québec. Un nombre en augmentation au cours des derniers mois, déplore Benoit Girouard, président d'Union paysanne. «Je ne me souviens pas d'avoir déjà vu autant d'incendies de ferme, moi qui observe la scène agricole depuis 12 ans», a-t-il dit à La Presse.

Sans parler de recrudescence des incendies, Promutuel - qui assure environ 12 000 fermes au Québec - constate depuis quelques années une hausse des réclamations pour des pertes élevées, totalisant plus de 500 000$. «On a en moyenne une douzaine de ces demandes par année, plusieurs pour des sommes de plus de 1 million de dollars», explique Frédéric Renaud, coordonnateur de l'équipe assurance entreprise chez Promutuel.

Fait étonnant, les bâtiments agricoles sont malgré cela «négligés» par les pompiers, selon un bilan présenté au dernier congrès de l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec (ACSIQ). La «très grande majorité» des inspecteurs en prévention incendie n'ont «ni l'expérience ni les connaissances nécessaires» pour inspecter les bâtiments de ferme, constatent les neuf auteurs du rapport obtenu par La Presse.

Les programmes de formation des pompiers «ne touchent pas ce domaine», soulignent les auteurs, issus du milieu des incendies et de l'assurance. Quant au Code d'électricité du Québec, il n'est pas toujours interprété «de façon adéquate». Un programme de prévention des incendies de ferme existe, mais «peu de services de sécurité incendie l'ont mis en place».

Le nombre d'incendies «augmente au fil des ans»

L'ampleur du problème est pourtant connue: le nombre d'incendies touchant les fermes «augmente au fil des ans, tout comme les pertes matérielles qui y sont associées», a constaté le ministère de la Sécurité publique, dès 2004. Ces pertes matérielles sont «trois fois plus élevées que pour l'ensemble des incendies», a calculé le Ministère. Le nombre d'incendies de ferme est passé de près de 200 par an, en 1998 et 1999, à plus de 230 par an de 2000 à 2002.

Il faut mieux prévenir ces drames, affirme Christian Chartier, directeur du service de sécurité incendie de Princeville et coauteur du récent rapport. «La plupart des fermes qui passent au feu ne sont pas rebâties, a-t-il fait valoir. C'est des taxes de moins pour nos municipalités et notre patrimoine bâti qui part en fumée.» Rare ville qui sensibilise déjà les agriculteurs aux risques d'incendie, Princeville «n'a pas eu d'incendie dans un bâtiment de ferme depuis trois ans», s'est félicité M. Chartier.

Un premier formulaire d'inspection des bâtiments agricoles vient d'être créé par le groupe de M. Chartier. Un cours de 45 heures portant précisément sur les risques d'incendie dans les fermes commence aujourd'hui à être donné aux inspecteurs déjà en poste.

Quant aux futurs pompiers, leur formation abordera enfin la prévention des incendies agricoles, à partir de l'automne prochain. «Avant cela, les inspecteurs apprenaient sur le tas», a reconnu Patrick Lalonde, directeur des opérations du complexe de sécurité incendie du cégep Montmorency.

«C'est la fatalité»

Il faut dire que les agriculteurs eux-mêmes ne semblent pas voir l'urgence d'agir, même si des incendies de ferme sont continuellement rapportés par l'hebdomadaire La Terre de chez nous. «Les incendies, c'est la fatalité, a dit Maria Labrecque Duchesneau, directrice générale d'Au coeur des familles agricoles, organisme d'entraide. Il n'y en a pas plus qu'à l'habitude.»

Ni le ministère de l'Agriculture du Québec, ni la Financière agricole, ni Agriculture Canada ne tiennent de statistiques sur les incendies de ferme. Seul le ministère de la Sécurité publique note que 3% de tous les incendies de bâtiment ont débuté dans une ferme de 2003 à 2005. C'est plus que lors des cinq années précédentes, alors que ce taux n'était que de 2,1%.

- Avec la collaboration d'Hugo Meunier