«Stop the gravy train.» Le slogan électoral du maire Rob Ford pourrait revenir le hanter au moment où ses projets pour mettre en valeur les transports en commun font dérailler toute son administration. Sa popularité a soudainement chuté devant son entêtement à creuser de coûteuses lignes de métro plutôt que de miser sur des trains légers sur rails (TLR), plus économiques.

Tout semblait rouler en faveur des transports en commun à Toronto jusqu'à récemment. L'ancienne administration de David Miller avait préparé un plan pour créer ou prolonger trois lignes, le gouvernement ontarien avait accepté d'allonger 8,4 milliards pour les financer et les travaux avaient même débuté sur l'avenue Eglinton, qui traverse Toronto d'est en ouest.

Puis Rob Ford a été élu à la tête de Toronto.

Au lendemain de son élection, le nouveau maire a annoncé qu'il suspendait les projets de trains de surface pour en faire des métros. Le gouvernement ontarien a accepté de maintenir son financement à condition que le conseil municipal appuie ce choix.

Vote à l'hôtel de ville

Mais profitant des nombreux revers encaissés par le maire au cours des derniers mois, des élus municipaux ont réussi à forcer la tenue d'un vote la semaine dernière pour remettre sur les rails le projet de surface. Depuis, tout le développement des transports collectifs est paralysé: le maire Ford refuse d'abdiquer tandis que le gouvernement soutient la décision du conseil.

«Il veut des métros pour la mauvaise raison. Il veut que ce soit sous terre pour ne pas nuire aux voitures», tranche Eric Miller, directeur du Centre d'études urbaines de l'Université de Toronto. L'universitaire a été mandaté par le conseil municipal pour participer à un comité d'experts devant trouver une solution à l'impasse dans laquelle les transports en commun sont plongés. Eric Miller estime que les TLR sont la meilleure solution, la densité de population dans les banlieues à desservir ne justifiant pas l'investissement que nécessitent des lignes de métro.

Pour l'heure, l'administration Ford ne veut rien entendre. «Les TLR détruisent les quartiers», a récemment déclaré le conseiller Doug Ford, frère du maire. Pour soutenir son plan métro, celui-ci souligne que le plan de développement de la Toronto Transit Commission (TTC) de 1986 prévoyait des métros sur les lignes projetées, plutôt que des trains de surface.

Mais son administration a enterré des rapports du transporteur justifiant l'abandon des projets souterrains, a révélé cette semaine le Toronto Star. On prévoyait à l'époque que la ligne Sheppard, qu'on souhaite aujourd'hui prolonger, permettrait la création de 115 000 emplois. Or, un bilan des retombées fait l'an dernier est catastrophique: le couloir a vu s'ajouter seulement 100 emplois.

Qu'importe, l'administration Ford continue à soutenir le métro. «Construisez-le et les gens viendront», dit Doug Ford. «Pour rentabiliser un métro, il faudrait permettre de construire des tours de 28 à 40 étages tout le long de ces lignes. Mais ce sont des endroits où les immeubles les plus hauts ont seulement quatre étages, je ne pense pas que les gens sont prêts à accepter ça», expose le conseiller Josh Colle. La sortie de cet élu est d'autant plus importante qu'il fait partie des rares élus «non alignés» à Toronto. C'est grâce à son vote que l'administration Ford obtient - ou pas - sa majorité à l'hôtel de ville.

Métro populaire

Ford n'est pas seul à préférer le métro. Selon un sondage publié cette semaine dans le Toronto Sun, 63% des Torontois préfèrent le métro aux trains légers sur rails. Les opposants au plan métro estiment que les gens confondent les TLR proposés aux petits tramways qui sillonnent le centre-ville. Les premiers sont rapides et modernes tandis que les seconds sont bruyants et lents.

N'empêche, l'entêtement du maire commence à lui coûter des appuis. La controverse sur les transports est telle que les médias de Toronto ont à peine souligné la victoire du maire Rob Ford sur le coriace syndicat des cols bleus à qui il a imposé une importante réduction de la sécurité d'emploi, ce qui devait être le moment fort de son mandat. Les sondages indiquent également que la controverse sur les transports a pris le dessus dans l'opinion publique, les Torontois étant de plus en plus insatisfaits du travail du maire.

Plusieurs s'interrogent sur le soudain intérêt du maire Ford pour les lignes de métro. «Il a été conseiller municipal pendant 10 ans avant de devenir maire en décembre 2010 et il ne s'est jamais intéressé aux transports en commun», dit la conseillère Shelley Carroll, l'une de ses principales opposantes à l'hôtel de ville. L'élue se demande pourquoi un maire élu pour sabrer les dépenses publiques favorise un projet plus coûteux. L'évaluation des coûts pour un métro sur la ligne Eglinton se chiffre à plus de 8 milliards, 2 de plus que pour un train de surface.