Ottawa revient sur son engagement en menaçant de retirer ses billes du projet d'amphithéâtre à Laval si une équipe de hockey professionnel ou junior majeur en devient locataire. Pourtant, il était clairement prévu, dès 2009, que la glace principale de 7000 sièges visait à accueillir une équipe de hockey.

C'est ce que révèle un document interne obtenu par La Presse, qui contredit la position du gouvernement Harper dans le dossier. Encore hier midi, le ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, a affirmé qu'il n'avait jamais été question pour son gouvernement de financer un amphithéâtre destiné à accueillir une équipe professionnelle de hockey à Laval.

Le document en question est une fiche synthèse du projet lavallois, datée de septembre 2009, soit tout juste avant l'annonce officielle du financement d'Ottawa et de Québec. Il est signé par des représentants du fédéral et du provincial.

«Le projet consiste à construire un complexe multifonctionnel sportif et culturel de 140 000 pieds carrés comprenant trois glaces respectivement de 250 sièges, 2000 sièges et 7000 sièges», peut-on lire.

Plus loin, on précise: «La glace principale de 7000 sièges vise à accueillir une équipe de hockey, à présenter des spectacles et des événements privés.» Dans un autre passage, on fait valoir que Laval «a besoin d'une glace avec suffisamment de gradins pour accueillir une équipe de hockey».

La fiche synthèse n'indique pas si on fait référence à une équipe professionnelle ou à une équipe de niveau junior majeur. Mais, de toute évidence, un aréna de 7000 sièges n'est pas destiné aux amateurs ou au midget AAA.

Un passage du document donne plus de détails quant aux visées du projet: «Les conclusions du consultant Deloitte et des études réalisées par la Ville de Laval affirment qu'une équipe de hockey et qu'une salle de spectacle de l'envergure envisagée par ce projet sont viables considérant le marché potentiel de Laval, des Laurentides et de Montréal.»

À la suite de l'annonce officielle du 28 septembre, une promesse d'aide financière a été signée par le ministre Lebel, à l'époque ministre d'État de Développement économique Canada, et par le ministre québécois des Affaires municipales, Laurent Lessard. Au total, le gouvernement Charest s'est engagé à verser 45 millions de dollars et Ottawa, 15 millions. L'ensemble du projet devait initialement coûter 93 millions. Il serait maintenant évalué à 120 millions.

Versions contradictoires

La Presse a rapporté jeudi que le club-école du Canadien de Montréal, les Bulldogs de Hamilton, serait le locataire de marque d'un complexe multifonctionnel à bâtir à Laval et que la division spectacles de l'équipe de hockey montréalaise, evenko, en serait le gestionnaire. L'annonce aurait été planifiée pour le mois de février.

La nouvelle a toutefois soulevé l'indignation, surtout dans la région de Québec, où le refus d'Ottawa de financer la construction d'un amphithéâtre de hockey en vue d'un hypothétique retour des Nordiques demeure un sujet sensible.

Jeudi après-midi, Denis Lebel a tenté de calmer la grogne en affirmant, que selon ses informations, «le projet devait servir le sport amateur et le loisir».

«Si une équipe professionnelle ou junior majeur était destinée à s'établir dans cette infrastructure, alors la demande de modification majeure serait refusée», a-t-il tranché.

M. Lebel a fait remarquer que comme les délais initiaux du projet n'ont pas été respectés, Québec devrait maintenant soumettre une demande de modification de sa demande initiale de subvention à Ottawa. L'amphithéâtre devait être construit entre janvier 2010 et décembre 2011.

En entrevue à La Presse hier matin, le ministre a renchéri en soutenant que «jamais dans ce temps-là, il n'avait été question d'une équipe de sport professionnel».

Interrogé en fin de journée sur les révélations contenues dans la fiche synthèse, M. Lebel a plaidé l'ignorance. Il a rappelé qu'à l'époque, ce n'était pas lui qui avait procédé à l'annonce, mais bien son collègue conservateur Steven Blaney.

«Le dossier de Laval, pour moi, il a été signé en 2009 et je n'en ai pas entendu parler jusqu'à ce que le maire de Laval me dise (lundi): «Denis, où en est mon dossier?» je lui ai demandé: «Est-ce qu'il y a une équipe là-dedans?» et il m'a répondu: «Non».»

«Mais peu importe les discussions, a ajouté le ministre, à partir du moment où le premier ministre Stephen Harper a dit en 2011 qu'il n'y avait pas de soutien financier aux équipes professionnelles, peu importe comment a été monté le dossier, ça ne tient plus. Les règles, nous, on les a changées, parce qu'on veut revenir à l'équilibre budgétaire.»

Il a par ailleurs maintenu sa position indiquant que, faute d'avoir respecté les délais, Québec devrait présenter une nouvelle demande.

Rencontre demandée

La présidente du Conseil du Trésor, Michelle Courchesne, a refusé de commenter la volte-face d'Ottawa, elle qui avait participé à l'annonce du 28 septembre 2009. Elle est députée de Fabre et responsable de la région de Laval.

L'attachée de presse du ministre Lessard, Julie Boivin, s'est contentée de dire que le gouvernement du Québec «souhaite une rencontre entre les partenaires pour s'entendre sur les paramètres du projet».

Par ailleurs, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a voulu hier minimiser la démission du secrétaire du PQ dans la région de Laval, Pierre Castonguay. Il a claqué la porte jeudi, accusant la députée Agnès Maltais d'être responsable de la volte-face du gouvernement Harper. Mme Maltais avait crié à l'injustice à la suite de la publication du reportage de La Presse.

«Il y a 90 000 membres. Malheureusement, il y en a un qui a quitté. J'aurais aimé mieux qu'il reste, mais il est parti», a déclaré Pauline Marois.