Ottawa et Attawapiskat s'entendent sur tout, exception faite de qui aura le contrôle des finances de la réserve crie - mais cet unique point de discorde pourrait empêcher tout progrès dans la communauté du Nord de l'Ontario.

Le ministre des Affaires autochtones, John Duncan, et son secrétaire parlementaire, Greg Rickford, ont rencontré, jeudi à Thunder Bay, les responsables de la communauté située aux abords de la baie James pour tenter de trouver un terrain d'entente.

Lors de la rencontre, qualifiée de «respectueuse, cordiale et collégiale» par M. Rickford, les parties en sont venues à un plan en trois étapes.

Selon M. Rickford, les parties sont d'accord pour que des fournitures d'urgence soient acheminées à court terme, afin de s'attaquer à la crise du logement que traverse la communauté crie. À moyen terme, le «centre de guérison» sera transformé en refuge, et à long terme, les 22 nouvelles maisons seront livrées et installées.

Le ministre Duncan a aussi confirmé que la construction d'une nouvelle école primaire débutera au printemps, après des années de pressions de la part des résidants de la communauté.

Toutefois, malgré les pressions faites par la chef Theresa Spence et les menaces de poursuites, Ottawa entend maintenir Attawapiskat sous tutelle - du moins pour l'instant.

«Nous sommes d'accord sur à peu près tout. Mais nous sommes en désaccord sur la gestion financière par une tierce partie en raison des circonstances», a confié M. Rickford en entrevue.

L'administrateur nommé par le gouvernement doit rester en poste jusqu'à ce que la crise du logement soit résorbée - «quelques mois», selon M. Rickford.

Ottawa exige que le plan de logement soit solide et en marche d'ici la fin de l'année fiscale, le 31 mars 2012. À ce moment, l'administrateur remettrait le contrôle des finances au conseil de bande, et une vérification complète des dépenses des cinq dernières années pourrait commencer.

La chef et le conseil de bande ont accepté de se soumettre à une vérification, entre autres pour prouver au premier ministre Stephen Harper qu'il dit faux lorsqu'il affirme que la communauté à mal administré son financement.

Mais Mme Spence et le conseil de bande exigent le départ de l'administrateur - Jacques Marion, de BDO Canada.

«La chef et le conseil de bande n'acceptent pas du tout la présence de l'administrateur. Ils ont accepté tout le reste», a expliqué jeudi Stan Beardy, grand chef de la nation Nishnawbe Aski, dont fait parti Attawapiskat.

Le conseil de bande s'obstine à refuser à M. Marion l'accès à la réserve. Dans ses conditions, il sera donc difficile pour lui de déterminer ce qui doit être fait, a lancé M. Beardy en entrevue téléphonique.

Le conseil de bande a demandé une injonction pour obliger M. Marion à rendre le contrôle des finances à la réserve, selon M. Beardy, parce que la crise du logement vécue dans la communauté n'a rien à voir avec une mauvaise gestion financière. «Le problème, c'est le sous-financement.»

Il a souligné qu'Ottawa a le devoir légal et fiduciaire de veiller aux besoins primaires des membres de la communauté.

Plusieurs communautés placées sous tutelle passent des années dans cette situation et leurs problèmes ne sont jamais réglés - ou même se détériorent. Des évaluations du vérificateur général, des experts indépendants et des analyses du gouvernement ont toutes révélé des failles derrière l'administration par une tierce partie.

MM. Duncan et Rickford affirment qu'ils souhaitent essayer une nouvelle approche à Attawapiskat, en mettant l'emphase sur la stratégie de sortie. Et M. Rickford ajoute que le gouvernement fera de plus grands efforts pour communiquer cette stratégie avec les membres de la communauté.

La tutelle coûte 1300 $ par jour au conseil de bande - une somme dont le conseil affirme ne pas disposer. Mme Spence affirme également que la tutelle ralentit les procédures bureaucratiques, et ressemble à une punition pour avoir demandé de l'aide.

«Attawapiskat cherche des solutions, elle ne cherche pas la confrontation. Elle n'est certainement pas pour payer un gardien envoyé pour la punir d'avoir eu le courage de s'exprimer», a lancé le député néo-démocrate Charlie Angus, dont la circonscription englobe la réserve d'Attawapiskat.

Mais le premier ministre Harper a laissé entendre que le conseil de bande a mal administré son budget et doit s'assurer qu'il sera mieux dépensé à l'avenir. Ottawa a remis depuis cinq ans environ 90 millions $ à cette réserve de quelque 3000 autochtones.