Le nombre de voyageurs interceptés avec de faux papiers à leur descente d'avion au Canada est en constante diminution depuis trois ans.

Mais, invariablement, ce sont toujours la Chine, l'Inde, l'Iran, le Sri Lanka et le Nigeria qui figurent en tête des pays d'origine de ces voyageurs.

C'est ce que révèlent des statistiques annuelles de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) que La Presse a obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Ces personnes viennent du monde entier, du Soudan, de la Syrie, du Mali, de Cuba ou de la Mongolie. Beaucoup fuient la misère, la guerre, la terreur, un régime qui les prive de liberté, bafoue les droits de l'homme et a recours à la peine de mort contre ses opposants. Ou tous ces fléaux à la fois.

«Ces gens-là n'ont pas le choix d'utiliser de faux papiers, indique Anne Sainte-Marie, porte-parole d'Amnistie internationale au Canada. Ils doivent sortir à tout prix d'un pays répressif qui ne leur donnera jamais de vrais papiers pour partir.»

Certains cachent toutefois des intentions moins louables, lorsqu'il s'agit de criminels, de terroristes ou même d'espions.

Entre le 1er janvier 2005 et le 1er juillet 2011, les douaniers canadiens ont intercepté 14 883 immigrants illégaux munis de documents de voyage contrefaits, dont 2358 Chinois, mais aussi 18 Français, 4 Belges et 1 Kirghize, notamment.

Une poignée seulement de voyageurs arrêtés à la douane possédait un faux passeport canadien, pièce d'identité qu'ont longtemps affectionnée les espions étrangers, en particulier ceux qui ont pour mission de s'immerger dans le pays d'accueil.

L'année 2008 a connu un record d'affluence de voyageurs illégaux aux frontières puisque leur nombre a bondi à 3093, contre une moyenne de 2200 les trois années précédentes. L'année 2011 sera celle des voyageurs illégaux chinois puisque, en six mois, le Canada en a intercepté plus que pour chacune des années précédentes.

Situation politique

Sans surprise, ces statistiques sont le reflet de la situation qui a cours dans les pays concernés. Soit parce qu'il s'agit de régimes autocratiques et dictatoriaux, soit à cause de conflits armés. Dans ce dernier cas, le Sri Lanka en est le meilleur exemple. En 2008, au plus fort de la guerre sanglante entre les Tigres tamouls séparatistes et l'armée, l'ASFC a intercepté un total record, tous pays et années confondus, de 1062 Srilankais. En 2009, lorsque ce conflit a pris fin, le nombre d'immigrants illégaux a chuté à 93, puis à seulement 26 pour le premier semestre 2011.

Quant à la Chine et à l'Iran, l'organisme Amnistie internationale n'est pas surpris de les voir caracoler en permanence dans ce palmarès: «Depuis les Jeux olympiques, le pays a mis les bouchées doubles pour resserrer l'étau et l'on note une dégradation des droits de la personne, note Anne Sainte-Marie. Il n'y a aucune liberté dans ce pays qui pratique la torture, où la corruption règne et où la justice est inéquitable. Sans oublier les contrecoups de la crise économique. Quant à l'Iran, il s'enfonce dans la barbarie.»

Prudente, l'ASFC préfère avancer l'explication de la forte présence de la diaspora de ces communautés dans les métropoles du pays et les liens familiaux déjà existants.

«Les soins de santé, les occasions d'affaires, le réseau canadien d'appui social, la stabilité politique et économique, la liberté de religion, les droits de la personne et la possibilité de s'intégrer à une société tolérante» sont les autres facteurs qui attirent les migrants ici, écrit Luc Labelle, porte-parole de l'Agence, dans un courriel adressé à La Presse.

En revanche, peu d'immigrants illégaux afghans, irakiens, congolais ou haïtiens figurent dans cette liste malgré les guerres, les catastrophes ou la misère qui touchent leur vie au quotidien.

Mais le rêve canadien a un prix et ce sont les trafiquants et les passeurs qui en profitent.

Procédures complexes

S'il se fait arrêter, l'immigrant illégal peut se voir interdire d'entrer au Canada. S'il souhaite demander l'asile, c'est l'agent qui détermine s'il est admissible au statut de réfugié. Son dossier est alors transmis à la Commission de l'immigration. «Une personne se trouvant dans cette situation pourrait être détenue pour plusieurs raisons, entre autres pour la vérification de son identité», précise Luc Labelle.

Sur son site internet, l'ASFC indique que parmi les «personnes renvoyées du Canada en priorité» figurent celles qui sont interdites de territoire pour cause de «présentation erronée de leur identité, y compris [...] des documents frauduleux».

En 2010-2011, les douaniers ont contrôlé 24,5 millions de voyageurs dans les aéroports canadiens. L'ASFC dit qu'elle ne se sert pas de ce «palmarès» pour cibler certains ressortissants dans le cadre de ses contrôles. «Comme tous les pays peuvent être victimes de la falsification de documents, l'ASFC examine attentivement tous les documents présentés, peu importe le pays d'origine, écrit Luc Labelle. Nos agents reçoivent des mises à jour régulières sur les nouvelles tendances en matière de fraude dans l'utilisation des documents.»

- Avec la collaboration de William Leclerc

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VOYAGEURS INTERCEPTÉS DANS LES AÉROPORTS CANADIENS

2005

2242 passagers

> Chine : 299

> Inde : 284

> Sri Lanka : 251

2006

2380 passagers

> Chine : 305

> Inde : 269

> Sri Lanka : 211

2007

2237 passagers

> Chine : 255

> Nigeria : 218

> Inde : 212

2008

3093 passagers

> Sri Lanka : 1062

> Chine : 291

> Inde : 233

2009

1853 passagers

> Chine : 305

> Nigeria : 184

> Iran : 137

2010

1752 passagers

> Chine : 417

> Inde : 141

> Nigeria : 139

2011 (jusqu'au 19 juillet)

1276 passagers

> Chine : 486

> Inde : 105

> Philippines : 66