Le ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, a fermé la porte hier à une participation d'Ottawa à un projet de train à grande vitesse entre Québec, Montréal et Toronto.

«Un nouveau projet d'une telle ampleur n'est pas une priorité pour notre gouvernement», a tranché M. Lebel, dans une déclaration envoyée par son attaché de presse.

Pourtant, une vaste étude rendue publique par son ministère lundi conclut à la viabilité de certains tronçons d'une ligne ferroviaire grande vitesse dans le couloir Québec-Windsor.

Cette étude, menée par un consortium d'entreprises et qui faisait l'objet de fuites depuis plusieurs semaines, en évalue les coûts de 19 à 21 milliards de dollars. Au moins la moitié de cette somme devrait être investie par les gouvernements, même s'ils décidaient de passer par un partenariat public-privé.

À ce prix, les auteurs ont analysé que seules trois options pourraient être «économiquement viables du point de vue de l'économie canadienne dans son ensemble»: le tronçon entre Montréal et Toronto par train à traction électrique (vitesse de 300 km/h) ou diesel (200 km/h); et celui entre Québec et Toronto, par traction électrique seulement.

C'est le consortium ÉcoTrain, formé de cinq entreprises dont Dessau et KPMG, qui a fait l'analyse, à la demande des gouvernements québécois, ontarien et fédéral, dont le coût s'élève à plus de 3 millions. Il s'agit d'une mise à jour de l'Étude sur le projet de train rapide Québec-Ontario, publiée en 1995.

Ce rapport de 1995 a lui aussi conclu à la viabilité du projet, mais uniquement dans l'axe Montréal-Ottawa-Toronto, et moyennant des coûts de 18,3 milliards, à être assumés à près de 75% par le secteur public.

Si, à l'époque, les gouvernements avaient décidé d'aller de l'avant, le TGV aurait pu voir le jour il y a six ans, en 2005. Cette fois-ci, l'échéancier prévoit que les premiers passagers pourraient monter à bord vers 2025.

Le train à traction électrique mettrait 2 heures 47 minutes à parcourir la distance entre Montréal et Toronto (comparativement à 5 heures 12 minutes actuellement) et 1 heure 26 minutes pour faire le voyage Québec-Montréal (plus d'une heure et demie de moins que maintenant). Le train entre Montréal et Québec s'arrêterait à Trois-Rivières et celui vers Toronto ferait escale à Ottawa.

Pas dans les priorités

Dans un communiqué de presse diffusé au moment de rendre l'étude publique, le ministre fédéral des Transports a d'abord semblé vouloir réfléchir: «Le gouvernement du Canada prendra le temps nécessaire pour étudier attentivement les prochaines étapes possibles», a-t-il déclaré.

Mais quelques heures plus tard, il s'est montré plus décisif. «Des investissements majeurs de l'ordre de 20 milliards seraient requis pour ce projet, a-t-il noté. Notre gouvernement a reçu un mandat fort des Canadiens de garder le cap sur ce qui compte le plus: une économie forte. Cela veut dire retourner à des budgets équilibrés tout en stimulant la croissance économique et la création d'emplois.»

Il y a quelques semaines, le ministre québécois des Transports, Laurent Lessard, a lui aussi mis des bémols quant au réalisme de la proposition.

Le Nouveau Parti démocratique a quant à lui réclamé «que le projet de ligne ferroviaire à haute vitesse reliant les villes de Québec et de Windsor soit mis de l'avant» - malgré le fait que l'analyse n'ait pas conclu à la viabilité de l'ensemble de l'axe. Les néo-démocrates estiment qu'un tel parcours permettrait un éventuel prolongement vers Detroit et Chicago.

Il a par ailleurs été impossible de savoir pourquoi les gouvernements avaient attendu jusqu'à aujourd'hui pour rendre publique cette étude datée du 14 février 2011.