La vague de débrayages contre l'élimination du placement syndical qui a paralysé plusieurs chantiers de construction vendredi s'étendra-t-elle à l'ensemble de la province lundi?

«Aucune idée», a indiqué dimanche, le président de la FTQ, Michel Arsenault, laissant planer le mystère quant à la rumeur qui circule à cet effet depuis quelques jours au sein de l'industrie.

La ministre du Travail, Lise Thériault, a néanmoins prévenu que les syndicats qui paralysent illégalement les chantiers s'exposent à des amendes pouvant atteindre 70 000$ par jour.

La semaine s'annonce en effet difficile sur les chantiers québécois, avec la montée des moyens de pression prévisible. «On n'est plus dans les années 1970. Il n'y a plus de place pour l'intimidation. Le placement syndical aurait dû être aboli il y a 30 ou 40 ans, et c'est ce qu'on va faire», a soutenu Lise Thériault.

«Ils doivent penser aux conséquences de la loi, je les invite au dialogue. On sera en commission parlementaire sur le projet de loi et on va entendre leurs commentaires», a-t-elle souligné. L'Internationale des métiers de la construction est attendue mardi en commission parlementaire pour faire part de ses propositions sur le projet de loi 33. La FTQ construction doit se faire entendre le lendemain.

Vendredi, les travailleurs de plusieurs grands chantiers industriels ont déserté les lieux, perturbant ou stoppant complètement les travaux en cours.

Les deux plus gros syndicats de l'industrie, la FTQ-Construction et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International) (CPQMC-I), avaient émis un communiqué conjoint vendredi pour confirmer que des travailleurs de la construction avaient effectivement «décidé d'exprimer de diverses manières leur désaccord face au projet de loi 33 qui vise l'élimination du placement syndical et des changements importants dans l'industrie.»

Selon les explications de M. Arsenault, il s'agit toutefois de manifestations «spontanées» qui ne découlent pas d'un mot d'ordre de la direction de la FTQ-Construction.

«Je comprends très bien nos membres d'être en maudit contre cette injustice flagrante», a-t-il déclaré lors d'une entrevue avec La Presse, dimanche. «Le placement syndical existe depuis 100 ans, ce n'est pas un crime.»

Pour Mme Thériault, la loi sur la construction R-20 s'appliquera dans toute sa rigueur. «Des entrepreneurs ont déjà déposé des plaintes vendredi à la Commission de la construction», relève-t-elle.

Manifestations lundi?

La semaine dernière, le Conseil du patronat du Québec (CPQ), l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec et des sources syndicales (anonymes) ont publiquement fait état de la rumeur voulant qu'il y ait un débrayage dès lundi dans l'ensemble des chantiers du Québec. M. Arsenault n'a pas voulu confirmer, ni infirmer ces informations.

Ces manifestations coïncideraient avec le début des audiences publiques sur le projet de loi 33 qui vise à retirer aux syndicats la possibilité de placer eux-mêmes leurs membres sur les chantiers. La tâche serait confiée à la Commission de la construction du Québec (CCQ), un organisme public qui relève du gouvernement du Québec. La ministre du Travail Lise Thériault veut ainsi mettre fin à l'intimidation qui a cours sur des chantiers et empêcher l'embauche de plus d'ouvriers que nécessaire.

Le projet de loi 33 vise aussi à retirer un des deux sièges de la FTQ-Construction et un des deux sièges du CPQMC-I du conseil d'administration de la CCQ pour les donner à des plus petits syndicats.

Une aberration, affirme M. Arsenault. La FTQ et le CPQMC-I «représentent 75% de l'ensemble des travailleurs du Québec. Va-t-on donner un siège et donc le même poids de vote à un syndicat qui représente seulement 6% des travailleurs? C'est comme si on donnait autant de sièges à l'ADQ qu'aux libéraux à l'Assemblée nationale. Ça n'a aucun sens.»

L'éventualité d'un arrêt de travail en début de semaine a fait réagir la ministre du Travail Lise Thériault. Pour celle-ci, il n'est toutefois pas question d'une loi spéciale pour forcer le retour au travail. «Ce serait vraiment prématuré», a-t-elle dit dimanche.