«Bonjour à tous. Mon chum et moi voudrions organiser du poker sur 2 jours. On voudrait faire ça dans un penthouse avec vue. [...] Nous prévoyons 10 joueurs à la fois au jeu et le reste pourront [sic] chiller autour. Mon chum connaît kek pornstars pis aussi des femmes assez ouvertes d'esprit.»

L'annonce, publiée il y a quelques jours sur un forum de poker par «Stratège de l'ombre» (un utilisateur pourtant peu discret), se veut une invitation en bonne et due forme à une soirée de débauche où se mêleraient femmes, poker, argent. Le tout pour quelques dizaines de dollars, dans une suite d'hôtel à Montréal.

Phénomène isolé? Pas tant que ça. Dans les chambres d'hôtel, bars ou propriétés privées, le poker clandestin a toujours la cote à Montréal. Mais le succès d'établissements comme le Playground Poker Club détourne toutefois une partie de la clientèle. Avant l'ouverture, il y a quatre ans, des salons de Kahnawake, les joueurs de poker avaient peu d'options. Et si les casinos d'État ont introduit le poker peu après, leur offre ne séduit pas toujours. «Avoir de l'alcool aux tables (comme dans les salons de Kahnawake, NDLR), ça peut sembler ridicule, mais ça a son importance. Au Casino de Montréal, tu peux passer toute la soirée sans pouvoir toucher une bière», explique Philippe Jetté, propriétaire du forum québécois Prince Poker.

Mais les temps sont durs pour le poker clandestin. En plus de la concurrence des salons de poker de Kahnawake, ses adeptes doivent composer avec le risque d'une descente de police. Un tel scénario s'est produit l'an dernier avec Full House, une maison de jeu de la rue Saint-Hubert. Très connu, l'établissement n'a pas survécu au débarquement épique d'une équipe du SPVM, l'été dernier. Dix personnes, accusées d'avoir ouvert une maison de jeu, attendent leur condamnation. Plus discrètement, l'Hippo-Club de Pointe-aux-Trembles a lui aussi connu des déboires avec le SPVM, en juin: des policiers ont arrêté les gérants de l'établissement devant une centaine de clients, et des accusations ont été portées.

Envers et contre tout, au moins une quinzaine d'établissements continuent à offrir illégalement des tables de poker à Montréal et dans les environs, selon un observateur. Et le phénomène existe aussi en région. «Le poker clandestin, il y en a partout, c'est un véritable fléau, estime Patrick Rondeau, propriétaire du Complexe Évasion, à Victoriaville. Venez ici un vendredi soir, il y a des parties de poker dans des dizaines de maisons.»

Rue Ontario, à Montréal, le salon El Jumelgi offre des tournois de poker depuis six ans et demi. Le propriétaire, Eloi Sheehan, a vu le poker gagner en popularité, puis souffrir de la concurrence de Kahnawake. Il ne cache pas son amertume: «C'est plein presque chaque jour, mais ça a diminué depuis que les Indiens s'en sont mêlés. Nous, on n'a pas le droit de donner la boisson ou le manger, mais eux, ils font ce qu'ils veulent, et en plus, c'est du cash game, déplore-t-il. C'est sûr que ça ne se réglera pas tout de suite: il faudrait que le gouvernement mette ses culottes.»

Dans un cash game (jeu d'argent), le joueur peut toujours racheter des jetons et n'est jamais obligé de quitter la table, contrairement aux règles en vigueur dans un tournoi. Au Québec, les casinos d'État offrent tournois et jeux d'argent. Le Code criminel prévoit toutefois une peine maximale de deux ans de prison pour les personnes coupables de tenir une maison de jeu. Si les tournois et parties entre particuliers sont tolérés, les profits que pourrait faire un établissement grâce à une activité liée au jeu sont illégaux.