«Le chèque est dans la malle». Depuis le début du lock-out à Postes-Canada il y a 11 jours, cette phrase est devenue plus qu'une simple excuse. Le volume de courrier diminue d'année en année, mais pour plusieurs, le service postal demeure essentiel. Demandes de prêts et bourses, de passeport et chèques à recevoir, des milliers de Canadiens attendent avec impatience des lettres et colis coincés depuis plusieurs jours dans les entrepôts de Postes Canada.

Amine Guessous veut rentrer chez lui. D'origine marocaine, ce finissant de HEC Montréal avait prévu retourner dans son pays à la mi-juin. Or, il attend toujours son passeport qu'il avait expédié par la poste pour un renouvellement de visa. Le visa est prêt, mais il n'a toujours pas reçu son passeport. Viviane Arpin vit une situation semblable. Devant partir en Chine mardi prochain avec son conjoint, elle a dû reporter son voyage à une date ultérieure. Leurs passeports et leurs visas sont coincés dans un entrepôt. «J'ai dû reporter notre voyage, moyennant des frais de 283$ par billet, souligne-t-elle. Nous avions pris le service express qui nous assurait un service en 24h.»

L'interruption du service postal affecte aussi bon nombre d'étudiants en attente du versement de leurs prêts et bourses. «Je ne peux pas avoir mes prêts et bourses, puisque je dois leur envoyer une lettre, raconte Jay Laflamme. Mais, je n'ai pas d'argent pour l'envoyer par une autre compagnie. Le moins cher coûterait 18,22$, juste pour une lettre. Donc, je suis fauché et les comptes arrivent dans moins d'une semaine. Je ne pense pas qu'ils vont accepter que je ne puisse pas payer mes comptes à cause du conflit des postes.»

La livraison des chèques gouvernementaux est maintenue pendant le conflit. Mais pas celle des autres chèques qu'attendent avec impatience plusieurs travailleurs autonomes et propriétaires de petites entreprises. Si plusieurs fournisseurs utilisent le dépôt direct, d'autres préfèrent toujours le bon vieux chèque en papier. «Comme toute entreprise, nous avons des fournisseurs à payer, des employés à rémunérer et des comptes à recevoir, explique Nicole Matta, propriétaire d'une PME.  Chaque mois, nous devons jongler pour faire rouler l'entreprise avec un minimum de financement. Nous réussissons très bien depuis plus de 20 ans. Depuis deux semaines, nous avons un déficit à recevoir d'environ 100 000$ directement lié au conflit postal.»

«Les salaires des travailleurs autonomes qui sont dans les entrepôts de Postes Canada, c'est un sérieux problème, ajoute Robert Léveillé, un travailleur autonome. Les comptes, eux, doivent être payés et les demandes des clients continuent de rentrer.»

Une exception pour les animaux

Il n'est pas possible de récupérer une lettre ou un colis se trouvant dans un entrepôt de Postes Canada. L'entreprise a permis une exception à la règle pour les colis qui contiennent des animaux. Ainsi, un apiculteur d'Alma, dont l'histoire a été très médiatisée, a pu récupérer, il y a quelques jours, la centaine de reines qu'il avait commandées d'un fournisseur situé en Montérégie. «Il y avait dans les entrepôts des poussins, des criquets, des abeilles, précise la porte-parole de Postes Canada, Anick Losier. On a pu sauver tout ce qui nous a été signalé.»

Mme Losier indique que la société d'État est consciente des inconvénients causés par le conflit de travail. «C'est une situation extrêmement difficile pour tout le monde, remarque-t-elle. Nous en sommes conscients. Nous avons essayé d'obtenir une entente négociée pour ne pas en arriver là.» Elle assure que la reprise du service se fera le plus rapidement possible dès la fin du conflit.

À Ottawa, le débat sur l'adoption d'une loi spéciale imposant la fin du conflit de travail se poursuivait toujours en début de soirée. Les employés de Postes Canada sont en lock-out depuis onze jours. Ce matin, les représentants de Postes Canada et du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) se sont rencontrés pour négocier. «Bien que nous ayons fait des compromis, les négociations ont échoué, a fait savoir le STTP par voie de communiqué. Postes Canada est encore une fois restée campée sur ses positions.»