Abousfian Abdelrazik, ce Canadien coincé pendant six ans dans son Soudan natal où il était en voyage, revient dans l'actualité. Après que les tribunaux canadiens eurent obligé Ottawa à le rapatrier, voilà que M. Abdelrazik, qui figure toujours sur la liste noire de l'ONU des personnes soupçonnées de terrorisme, doit se battre pour obtenir les allocations familiales pour ses deux enfants.

Sa femme étant morte, M. Abdelrazik est l'unique parent de ses deux enfants. Voici que, par lettre de la Régie des rentes du Québec, il vient d'apprendre qu'il devra de nouveau attendre l'assentiment du ministère des Affaires étrangères du Canada avant de pouvoir toucher les allocations familiales versées à tout parent vivant au Québec.

«Jusqu'ici, on pénalisait M. Abdelrazik lui-même, mais maintenant, c'est rendu qu'on pénalise ses propres enfants», se plaint son avocat Khalid Elgazzar.

Or, M. Abdelrazik, dont l'épouse a succombé à unun cancer, avait déjà obtenu du ministère des Affaires étrangères - qui doit approuver tout versement de prestation à son endroit - la permission de recevoir sa rente de veuf.

Sans pouvoir donner de précisions sur ce cas précis pour des raisons de confidentialité, Pierre Turgeon, porte-parole de la Régie des rentes, allègue que les rentes de veuf et le soutien aux enfants sont deux enveloppes distinctes. C'est ce qui expliquerait que M. Abdelrazik doive obtenir une nouvelle autorisation d'Ottawa.

M. Abdelrazik a entrepris de faire rayer son nom de la liste noire de l'ONU, mais le processus prend du temps, signale son avocat. Me Elgazzar s'insurge particulièrement contre le fait que jamais son client n'a pu se défendre d'être complice de terrorisme et qu'il n'a obtenu qu'un bref sommaire justifiant sa présence sur la liste de l'ONU.

Cela n'est pas sans lui causer des ennuis. «Même un employeur ne pourrait lui verser de salaire sans l'autorisation préalable du ministère des Affaires étrangères», fait remarquer son avocat.

En 2009, la Cour fédérale avait ordonné à Ottawa d'organiser dans les 30 jours le rapatriement de M. Abdelrazik, estimant que ses droits avaient été violés.

«Même quand on figure sur la liste noire de l'ONU, on est en droit de rentrer dans son pays de résidence», relève Me Elgazzar

Mémo secret

Peu avant son retour au pays, on avait appris par un mémo classé «secret» que l'ambassade des États-Unis avait demandé formellement à Ottawa de partager avec Washington les renseignements détenus sur M. Abdelrazik. Signé par John Di Gangi, à l'époque directeur du service de renseignement au ministère des Affaires étrangères, le mémo précisait que «les États-Unis demandent l'aide du Canada pour porter des accusations criminelles contre Abdelrazik afin qu'il puisse être accusé aux États-Unis. Les États-Unis ont des informations à propos d'Abdelrazik, mais pas assez pour l'accuser. Il en va peut-être de même pour le Canada. Si les agences de sécurité du Canada partageaient ce qu'elles ont, ce serait peut-être suffisant pour que les États-Unis aillent de l'avant, le seuil pour une poursuite étant plus bas là-bas qu'ici.»