Le profilage racial est un problème «grave» qui menace la paix sociale au Québec. Les gouvernements et les institutions publiques doivent s'y attaquer sans délai en réformant les lois et les pratiques policières.



La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) a lancé ce «signal d'alarme», hier, en rendant public le rapport Profilage racial et discrimination systémique des jeunes racisés.

Le document de 131 pages, qui est le fruit d'audiences publiques menées au printemps 2010, dresse un bilan alarmant du profilage racial, une pratique qui a de lourdes conséquences «pour l'ensemble de la communauté québécoise».

«Le problème est suffisamment grave pour que toutes les communautés consultées déclarent une à une qu'elles ont perdu confiance en la société et en la justice, a déclaré hier le président de la CDPDJ, Gatéan Cousineau. Leurs témoignages nous ont ouvert les yeux.»

Pour «mettre en échec» le profilage racial, l'organisme formule 93 recommandations destinées au secteur de la sécurité publique, d'abord, mais aussi au milieu scolaire et au milieu de la protection de la jeunesse.

En premier lieu, la CDPDJ somme le gouvernement d'établir un plan d'action pour enrayer le profilage racial et de mettre sur pied des mesures de lutte contre le racisme. Du même souffle, elle propose de modifier la Charte des droits et libertés de la personne pour y interdire le profilage racial.

La CDPDJ suggère de l'interdire aussi dans la Loi de la police, dans le Code de déontologie des policiers et dans la Loi sur la sécurité privée, qui encadre le travail des agents de sécurité.

Autre recommandation majeure: l'organisme fait sienne la proposition du Protecteur du citoyen de créer un «Bureau des enquêtes spéciales» pour faire la lumière sur les interventions policières qui font des morts ou des blessés graves. Actuellement, cette tâche est confiée à un autre corps policier.

Les services de police devraient recueillir systématiquement des données sur l'appartenance ethnique présumée des individus interpellés. Cela permettrait de mieux documenter et prévenir le phénomène.

Les corps policiers doivent également revoir leurs méthodes de lutte contre les gangs de rue et les incivilités pour éviter les dérives du passé, selon la CDPDJ. La mise sur pied de l'escouade Éclipse, en 2008, a coïncidé avec une hausse importante des interpellations injustifiées de personnes noires dans le nord de Montréal, ce qui a exacerbé les tensions entre les citoyens et les policiers.

École et centres jeunesse

La CDPDJ recommande en outre au gouvernement d'accentuer la lutte contre la pauvreté, qui «alimente l'exclusion des groupes vulnérables».

Le milieu scolaire et le système de protection de la jeunesse ont aussi leur rôle à jouer, selon la CDPDJ. Son président, Gaétan Cousineau, souligne que les membres de communautés culturelles font l'objet de surveillance ou d'attention disproportionnée à l'école et dans les centres jeunesse.

La Commission propose aux écoles et aux centres jeunesse d'offrir une formation antiraciste à leur personnel. Les directions d'école devraient également d'interdire la discrimination dans leurs normes organisationnelles. Les centres jeunesse sont invités à réviser leurs outils d'évaluation pour éviter les mauvaises interprétations de la dynamique familiale.

La CDPDJ mise également sur une meilleure représentation des communautés culturelles dans les institutions publiques, une initiative qui renforcerait le sentiment de confiance envers elles.

«Le profilage racial n'est pas une problématique simple, et c'est beaucoup plus compliqué quand on ne s'en occupe pas», a dit Gaétan Cousineau, qui espère obtenir la collaboration des différentes institutions et ordres de gouvernement.

La CDPDJ promet d'assurer un suivi auprès des populations consultées au cours des prochaines semaines.

Pour consulter le rapport: www.cdpdj.qc.ca.