«Quand ils veulent qu'on fasse des placements avec eux, là, ils font déplacer des conseillers. Mais quand un petit vieux veut juste retirer de l'argent, ça, ça ne les intéresse pas.»

Robert Décary est en colère. En colère contre le Mouvement Desjardins qui n'envoie plus de caissière itinérante dans sa résidence pour personnes âgées de Saint-Hyacinthe pour permettre à chacun de faire ses transactions courantes, une fois la semaine, comme c'était la coutume.

C'est le cas dans sa résidence, L'Eau-Vive, comme dans huit autres résidences de personnes âgées des environs.

La grogne contre le Mouvement Desjardins s'est bien exprimée dans le Courrier de Saint-Hyacinthe, comme dans les environs de Châteauguay, où Radio-Canada a témoigné bien la semaine dernière du mécontentement consécutif à la disparition tantôt de ces services de caissière itinérante, tantôt de guichets automatiques jugés non rentables.

Lui-même très en forme, mais néanmoins désolé pour ses amis moins autonomes que lui, M. Décary ne comprend pas. «Le Mouvement Desjardins fait plus d'un milliard de profits par année. N'y aurait-il pas moyen qu'il maintienne ses services, lui qui se targue de remplir une mission sociale?»

Claude Béland, ancien président du Mouvement Desjardins, est parfaitement de cet avis. «Même si l'on ne faisait que 1 milliard de profits au lieu de 1,4, serait-ce bien grave? Il me semble que ce serait une bonne façon de démontrer, comme le prétend sa publicité, que le Mouvement Desjardins, c'est plus qu'une banque.»

«On est passé de 130 caisses populaires à 471 caisses et là, on réduit même les points de services. Jusqu'où cela va-t-il aller? demande M. Béland. Quel est l'intérêt de partir des petites localités et d'aller s'installer dans les gros centres? Prouver qu'on est aussi fin que les grosses banques? On parle pourtant du Mouvement Desjardins qui s'est toujours distingué en offrant des services de proximité.»

Hélène Duchaine, directrice des communications à la caisse populaire de Saint-Hyacinthe, allègue la sécurité des caissières itinérantes pour expliquer la disparition de ce service.

Leur sécurité a-t-elle été menacée? À cela, Mme Duchaine a répondu non, mais qu'il n'était pas question que Desjardins attende un malheureux événement pour agir.

À la question de savoir depuis combien d'années les caissières se déplaçaient dans les résidences de personnes âgées, Mme Duchaine a répondu que cela faisait environ six ans.

Quoi qu'il en soit, une entente est maintenant intervenue, a-t-elle ajouté. Une entente avec la quincaillerie locale qui permettra à tout client de faire des retraits tout en faisant ses achats.

Une solution qui ne satisfait pas Claude Leblanc, président de la Fédération de l'âge d'or du Québec pour la région de Richelieu-Yamaska, car, «pour pouvoir le faire, il faut toujours bien faire des achats, et t'as pas toujours quelque chose à acheter».

«Les caisses populaires qui réduisent leurs services nous disent aussi qu'il y a un comptoir ou un guichet à un kilomètre de l'endroit qu'ils ferment. Mais quand t'es âgé ou que tu n'as pas d'auto, tu ne peux pas le faire, le kilomètre. C'est pareil à l'hôpital Honoré-Mercier. Ils ont fermé le guichet automatique, jugé non rentable. Quand t'as un soluté au bras, t'es pas tellement attelé pour le marcher, le kilomètre!»

Risque de fraude

Ce qui inquiète M. Leblanc, c'est que la baisse de services «nous ramène 10 ans en arrière». «On s'est tellement battus contre les fraudes faites aux personnes âgées, et là, on les place dans une situation où elles risquent de nouveau de donner des procurations à leur coiffeuse.»

André Chapleau, porte-parole du Mouvement Desjardins, assure que la fermeture de guichets ou le retrait de caissières itinérantes dans les résidences de personnes âgées sont des décisions qui se prennent localement, caisse par caisse, et que, d'aucune façon, il n'y a volonté de réduire la présence des caisses sur le territoire.

En même temps, plaide M. Chapleau, il faut bien s'adapter aux réalités d'aujourd'hui. Par exemple, fait-il observer, «depuis 10 ans, il y a eu une hausse de 2200% des transactions sur l'internet et l'on peut même faire des transactions sur les téléphones intelligents».

Aussi intelligents soient-ils, ces téléphones ne crachent pas le billet de 100$ dont on a besoin pour la semaine, suggère-t-on. «Non, mais à l'épicerie, oui», répond-il.

M. Chapleau soutient que, s'il y a réduction du nombre de guichets automatiques au Québec, elle est minime. Entre 2009 et 2010, on aurait fermé 96 guichets à l'échelle du Québec.

Même un guichet automatique coûte de l'argent à garder en place, et quand il ne se fait pas un nombre minimal de transactions à un endroit donné, parfois, oui, il faut le fermer. Malgré sa mission particulière, le Mouvement Desjardins «n'est pas une oeuvre de charité. Et même les oeuvres de charité doivent être rentables».

«Le milliard que nous faisons en profits par année, les banques, elles, le font en trois mois.»