Gérald Larose, ex-président de la CSN, estime qu'on a fait «un mauvais procès» à Claudette Carbonneau dans la foulée du conflit au Journal de Montréal.

«Entre le début du conflit et sa conclusion, le contexte a changé du tout au tout, avec des décisions des tribunaux qui ont donné raison à Pierre Karl Péladeau. Ce qui est arrivé n'a rien à voir avec le charisme de la personne à la présidence.»

Au surplus, ce conflit est survenu au moment où le mouvement syndical, bien que toujours fort, «voit tout de même son champ moins répercuté».

Henri Massé, ex-président de la FTQ, s'est aussi frotté à Pierre Karl Péladeau, qui privilégie «les lock-out et les diktats». Cela lui est arrivé du temps du conflit à Vidéotron, comme pendant le conflit au Journal de Québec.

«La CSN a fait ce qu'il y avait à faire dans le conflit au Journal de Montréal, mais parfois on se casse la gueule.

- Cela vous est arrivé aussi?

- En masse!» a lancé en riant M. Massé.

Selon lui, Claudette Carbonneau a le mérite d'avoir réussi, au cours de ses trois mandats, à maintenir la cohésion dans sa centrale, réputée «turbulente».

«J'ai pris ma retraite à 63 ans, après 15 ans à la présidence. Ce sont des emplois exigeants, et j'ai vu d'autres présidents se retirer un peu trop tard. Mme Carbonneau, elle, aura le temps de relever d'autres défis professionnels ou personnels.»

«Un métier dur»

«C'est un métier qui est dur, qui use! dit Gérald Larose. Elle était dans sa neuvième année à la présidence. C'est un bel itinéraire et je lui offre mes félicitations.»

Michel Arsenault, président de la FTQ, avait lui aussi de bons mots hier à l'endroit de Mme Carbonneau. Il se souvient particulièrement d'un petit-déjeuner qu'il avait pris avec elle à la Saint-Jean, en 2008. Ensemble, ils s'étaient entendus sur un pacte de non-agression en matière de maraudage et avaient convenu de ne pas arriver avec une liste d'épicerie aux négociations dans le secteur public. «Nous croyions à ce moment-là que si nos gens étaient d'accord, le mieux, ce serait de régler ça rapidement. Et de fait, en six ou sept mois, on a décroché une nouvelle convention collective.»

«Mme Carbonneau a une main de fer dans un gant de velours. Elle ne hausse pas le ton, ne fait pas de crise, et c'est toujours agréable de travailler avec elle, a poursuivi M. Arsenault. Elle a aussi une conscience sociale qui dépasse le seul cadre syndical. Elle croit fermement à une juste répartition de la richesse.»

Roger Valois, vice-président de la CSN lui aussi au seuil de la retraite, a parlé, pour sa part, de l'immense détermination de Mme Carbonneau.

Même le Conseil du patronat a tenu à saluer Mme Carbonneau, par l'entremise de son président, Yves-Thomas Dorval.

Bien qu'il soit en désaccord avec plusieurs des idées que défend Mme Carbonneau, M. Dorval a déclaré qu'il avait toujours eu «beaucoup de respect pour son engagement, sa détermination et sa loyauté envers les principes et les valeurs qu'elle défend. À titre de première femme à la tête de la CSN, Mme Carbonneau a su démontrer une grande sensibilité à la question de la condition féminine. Nous avons toujours eu des discussions franches, directes et transparentes».

Avant d'être présidente de la CSN, Mme Carbonneau en a été la vice-présidente, succédant à ce poste à Monique Simard. Elle avait auparavant milité dans le Syndicat des travailleuses et des travailleurs de l'hôpital Notre-Dame de Montréal.

Ni dogmatique, ni radicale

Claudette Carbonneau a grandi à Montréal, dans une famille modeste. Son père était gérant d'un magasin Greenberg.

Dans un portrait paru dans La Presse en 2002, quand elle a été portée à la tête de la CSN, Mme Carbonneau avait été décrite par ses proches comme non carriériste, ni dogmatique ni radicale. Et elle n'aurait jamais cru se retrouver là, d'après eux. Elle avait confirmé: «Ce n'était pas inscrit dans mon moïse!»

«Elle ne lâche pas son os, mais elle est capable de le mettre de côté pour un moment», avait dit à l'époque Pauline Marois, alors vice-première ministre du Québec.

Claudette Carbonneau elle-même se décrivait comme une personne ouverte à la conciliation. «Chercher des compromis, cela ne signifie pas être infidèle à ses revendications», avait-elle dit.

C'est aussi ce qui est ressorti hier des commentaires, et ses camarades syndiqués ont également fait valoir à quel point elle était une travailleuse infatigable.

Bref, après la salve de critiques, Mme Carbonneau a goûté hier au concert de louanges et aux accolades bien senties.