En novembre, sept jeunes Québécois sans emploi se sont posés au Guatemala pour y faire du travail humanitaire. L'idée: plonger le groupe dans une communauté démunie, pour que l'expérience les ramène à l'école, ou au travail. Le résultat: sept jeunes adultes bouleversés par un village qui n'a presque rien, mais qui a donné beaucoup, beaucoup d'amour. La Presse a assisté au choc des cultures.

«Ah, non! Y a plus rien!» Maxime, 18 ans, tourne en vain la valve qui alimente en eau la cour de l'école Kubin Junan, à San Antonio Aguas Calientes. Le nom du village guatémaltèque a beau signifier Saint-Antoine des «eaux chaudes», les robinets sont souvent à sec.

Maxime et six autres Montréalais de 17 à 26 ans se sont posés dans un univers à des lieues du Québec. Ils participent à un programme à très petite échelle mené par le Carrefour jeunesse emploi du Sud-Ouest (CJE).

Ils séjournent deux semaines dans un village autochtone du Guatemala. San Antonio est situé dans un paysage dominé par un volcan. Les maisons y sont pour la plupart inachevées.

D'après l'UNICEF, 8 en-fants sur 10 y souffrent de malnutrition. Les petits suivent les jeunes Québécois en rigolant, mais des taches sur leurs joues trahissent la pauvreté de leur alimentation.

Les jeunes Québécois sont issus d'un milieu défavorisé, mais c'est dans un cadre plus pauvre encore qu'ils doivent rénover une salle de classe, bétonner une cour d'école et repeindre les murs d'une garderie. Un voyage au bout du monde, et au bout d'eux-mêmes, croit Sala Fatolou, conseillère en emploi et accompagnatrice du groupe.

«Les jeunes sont poussés à leurs limites, note-t-elle. Ils sont sortis de leur confort et les efforts à fournir sont importants. Ici, c'est difficile de dire qu'on ne se lève pas le matin: il n'y a pas d'échappatoire. Ils pensent qu'ils viennent aider les autres, mais ils s'aident eux-mêmes aussi.»

Dans le jargon des Car-refours jeunesse emploi, les participants au voyage sont aux prises avec «plusieurs obstacles à l'emploi». Tous ont du mal à trouver du travail. La majorité n'a pas terminé le secondaire. Bref, ils se cherchent.

«Sans nous, il n'y aurait pas de classe»

Mais ici, ils en ont, du boulot. L'école où le groupe travaille compte une dizaine de locaux, qui ont tous besoin d'être rénovés. L'une des classes a d'ailleurs été abandonnée au printemps, rongée par les moisissures. Environ 200 enfants fréquentent l'école Kubin Junan, avec plus ou moins d'assiduité. C'est l'organisme québécois Horizon cosmopolite, qui travaille avec la population du village, qui y a dirigé le groupe de jeunes Montréalais.

Pendant son séjour, le groupe du CJE du Sud-Ouest a remis la classe condamnée en état de recevoir des élèves.

«Quand on est entrés ici, ça sentait vraiment mauvais. C'était vraiment dégueulasse, raconte Caroline, une des participantes. Sans nous, il n'y aurait pas de classe.»

Caroline sort, et aussitôt, deux ou trois enfants tournent autour d'elle. Elle sort un lecteur mp3 et fait écouter la musique au petit Pedro, 6 ans. L'espagnol de la jeune femme est plutôt sommaire, mais la musique fait le pont entre les deux cultures.

«C'est du Usher», lance Caroline. Pedro restera de longues minutes dans ses bras, ravi.

«Je me rends compte que j'aime les enfants. Je suis bonne avec eux», résume Caroline, sur le chemin du retour. Elle tient dans les mains un certificat la remerciant de son travail à l'école. Dans deux jours, elle rentre au Canada.

Le déclic

Pendant la soirée d'adieu à la communauté, Maxime et Caroline rigolent malgré un visage brûlé par le soleil. Le groupe revient d'une escapade à la mer, récompense ultime pour deux semaines de labeur.

La mer, le travail, la cul-ture... Il suffit d'une question pour que Maxime énumère longuement tout ce qu'il a appris pendant son voyage.

À plusieurs reprises, il revient sur la confiance que lui ont démontrée les Guatémaltèques. «Écoute, les gens ne me connaissaient pas, ici, et ils m'ont donné des responsabilités. J'ai juste fait du béton, mais quand même... Ça m'a montré que quand tu veux quelque chose, tu peux, raconte-t-il. En tout cas, j'ai vu que j'étais habile de mes mains.»

José-Maria Ramirez, un des accompagnateurs du groupe, hoche la tête, ravi. «Ça, c'est le déclencheur. Au retour, il faudra aider le groupe à cheminer avec tout ça.»

Sala ajoute: «C'est une expérience qui va changer leur vie. La plupart des jeunes avaient déjà des plans avant de partir. On va voir ce que ça va donner, mais pour la plupart, c'est certain qu'il y a eu un déclic.»

***

Un programme précaire

Accompagner sept jeunes 15 jours au Guatemala coûte environ 40 000$, salaire des intervenants inclus. Pour y arriver, le groupe met deux mois à se préparer. L'accompagnement se poursuit ensuite pendant des mois.

L'investissement de temps et d'argent est donc significatif pour un centre qui soutient déjà plusieurs programmes pour amener les jeunes à trouver un emploi stable et satisfaisant.

L'Office Québec-Amérique pour la jeunesse et Emploi Québec allongent 15 000$ afin de payer les dépenses relatives au voyage. Les participants au programme font des collectes de fonds pour amasser un peu plus de 2000$. Enfin, le CJE assure le salaire des intervenants avant, pendant et après le voyage.

«C'est une idée qui a des retombées, c'est certain, confirme Christine Guay, la directrice du CJE du Sud-Ouest. Mais c'est très précaire, même si on sait qu'un projet comme celui du Guatemala répond à des besoins particuliers.»