La licence des entreprises de Tony Accurso, Construction Louisbourg et Simard-Beaudry, sera suspendue, sinon révoquée, a annoncé hier la ministre du Travail, Lise Thériault. Tant pis si ces deux entreprises qui forment une seule entité sont les maîtres d'oeuvre de très grands chantiers de travaux publics. D'autres prendront la relève, a dit la ministre.

Il y a un an, le gouvernement a modifié la Loi sur le bâtiment. Selon le site de la Régie du bâtiment, le gouvernement voulait ainsi «lancer un message clair: la corruption et la fraude n'ont pas leur place dans l'industrie de la construction».

En cas d'infraction à une loi fiscale, la «Régie refuse de délivrer une licence lorsqu'elle estime que la gravité de l'infraction ou la fréquence des infractions le justifie». En ce moment, cinq licences sont suspendues pour cette raison, pour des périodes variant de 30 à 45 jours.

La Régie du bâtiment a ouvert une enquête hier matin, dès que Louisbourg et Simard-Beaudry ont plaidé coupable à des accusations de fraude fiscale massive, d'un total de 4,1 millions de dollars. Après avoir établi que la fraude a un rapport avec des activités de construction et cela est un fait incontesté les enquêteurs confieront le dossier au service des affaires juridiques de la Régie.

Le régisseur, Robert Généreux, convoquera les représentants des entreprises à une audience à huis clos et décidera si la licence doit être révoquée ce qui est peu probable ou suspendue. Dans ce dernier cas, il devra déterminer la durée de la suspension. Mais une chose est sûre, selon la ministre: il y aura une sanction.

«La Régie doit prendre le temps d'analyser le dossier pour déterminer quel type de sanction elle va appliquer, a-t-elle dit. Est-ce que ce sera une suspension ou une révocation? Si c'est une suspension, pour combien de temps? La Régie a tous les pouvoirs pour décider de la durée de la suspension du permis.

«La loi (qui a modifié la Loi sur le bâtiment il y a un an) a augmenté les pouvoirs de la Régie du bâtiment pour barrer la route aux entrepreneurs fraudeurs», a ajouté Mme Thériault.

Or, Louisbourg et Simard-Beaudry sont actives dans de gigantesques chantiers: celui de la centrale Eastmain 1-A Rupert, des viaducs et des ponts autoroutiers, le pont Viau entre Montréal et Laval, l'échangeur Décarie à Montréal, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), etc., sans compter une multitude de chantiers municipaux. La Régie du bâtiment devrait-elle tenir compte de l'impact de sa décision?

«Ça ne devrait pas influer sur la décision de la Régie, a répondu Mme Thériault. Quand on est coupable, on est coupable. Les sanctions doivent être rendues selon la gravité et le type d'infractions commises. Il y a d'autres entreprises de construction qui peuvent prendre la relève. Ce n'est pas parce que c'est l'une des plus grandes entreprises québécoises qu'on va passer outre aux lois qu'on s'est données.

«On n'arrête pas de se faire demander une commission d'enquête, a ajouté la ministre. Pour une fois qu'il y a des gens qui ont eu des enquêtes, qui ont des condamnations, qui vont avoir des sanctions, on ne va pas contourner nos lois. Les gens qui font de la collusion, qui font de la malversation, les entrepreneurs malhonnêtes, quand ils se font prendre, il y a des conséquences, et ils vont subir des conséquences.»

L'affaire a rebondi à l'Assemblée nationale. La députée péquiste Agnès Maltais a accusé le gouvernement d'avoir été imprudent en confiant la construction du CUSM à un consortium comprenant Simard-Beaudry. «Nous avons avisé le gouvernement en juin que Tony Accurso était dans le consortium au CUSM, a-t-elle dit. Combien ça va nous coûter, le fait que vous n'ayez pas entendu notre appel?»

«Le travail de l'entrepreneur (Simard-Beaudry) consiste seulement à faire l'excavation, a répondu le ministre de la Santé, Yves Bolduc. Et on est à la fin de l'excavation. Les travaux seront terminés (avant que la Régie du bâtiment rende une décision). Il n'y aura aucun retard dans le projet.»