Si le projet de loi C-470 chemine normalement, les organismes à but non lucratif et les fondations publiques ou privées ne pourront dorénavant verser de salaires supérieurs à 250 000$, sous peine d'être révoqués. Or, la Société Alzheimer du Canada, la Société canadienne du cancer, l'Association canadienne du diabète et la Société de l'arthrite, entre autres, comptent toutes un haut salarié gagnant de 250 000$ à 299 000$.

Cet automne, ce projet de loi a fait vivement réagir les organismes de charité.

Richard Nakoneczny, président du conseil d'administration de la Société Alzheimer du Canada, dit que des salaires concurrentiels doivent être versés pour attirer des gens compétents. Le fait d'avoir pignon sur rue à Toronto, ajoute-t-il, entraîne nécessairement des salaires plus élevés.

A-t-on jamais envisagé de déménager l'organisme à Montréal ou à Winnipeg, où ce serait bien moins cher? Richard Nakoneczny dit que la chose a déjà été étudiée, dans le détail, pour conclure qu'il est néanmoins plus avantageux de rester près des grands donateurs de Bay Street.

Il souligne par ailleurs les responsabilités qui incombent aux hauts dirigeants de grandes sociétés qui, comme la sienne, gèrent des fonds importants.

Dans une réponse envoyée par écrit, Betty Newson, présidente de la Société canadienne du cancer, plaide aussi, entre autres, la nécessité de verser «des salaires concurrentiels» et la quantité de personnes qui se trouvent sous les ordres du plus haut salarié.

Pat Chapman, directrice du marketing à la Société de l'arthrite, invoque aussi la nécessité de verser des «salaires concurrentiels» et relève qu'un salaire de 250 000$ à 300 000$, «ce n'est pas vraiment élevé dans le secteur privé».

(L'Association canadienne du diabète, pour sa part, n'a pas rappelé La Presse.)

Kate Bahen, directrice générale de Charity Intelligence Canada, relève que certains donateurs ne se préoccupent pas des hauts salaires, à condition que les résultats soient là, tandis que d'autres passent leur chemin dès qu'ils voient un salaire élevé.

Pour Mme Bahen, l'important, c'est que l'organisme soit transparent et révèle sans détour les salaires qu'ils versent comme tous ses autres chiffres.

Ottawa ne l'entend pas ainsi avec son projet de loi C-470. Mais qui serait réellement touché? Risquerait-on vraiment de perdre Kent Nagano ou Yannick Nézet-Séguin, par exemple?

Déjà, dans les déclarations obligatoires à l'Agence du revenu du Canada, ni l'Orchestre métropolitain ni l'Orchestre symphonique de Montréal, qui sont eux aussi des organismes à but non lucratif tenus de dévoiler leurs chiffres, ne révèlent le salaire de leur chef. Officiellement, selon les informations fournies à l'Agence du revenu du Canada, les plus hauts salariés de l'OSM comme de l'Orchestre métropolitain gagnent moins de 120 000$. Or, on sait que le maestro Kent Nagano gagne plus de 1 million.

Cet automne, quand on a demandé à l'OSM pour quelle raison M. Nagano ne figurait pas au formulaire (T3010) de l'Agence du revenu du Canada, on nous a indiqué que c'était parce qu'il n'était pas considéré comme un salarié, mais comme quelqu'un qui reçoit des cachets d'artiste.

À l'Orchestre métropolitain, la directrice Luce Moreau a expliqué que c'était probablement «en raison d'une erreur» que Yannick Nézet-Séguin ne figurait pas sur le formulaire obligatoire de l'Agence du revenu du Canada.