Le gouvernement Harper disait toujours ne pas connaître, hier, la teneur des révélations que compte faire le site internet WikiLeaks qui pourraient expliciter ce que pensent véritablement les diplomates américains du Canada dans des dossiers chauds comme la guerre en Afghanistan.

À l'instar de plusieurs de ses collègues dans d'autres capitales étrangères, l'ambassadeur des États-Unis au Canada, David Jacobson, est allé au-devant des coups mercredi soir en informant de vive voix le ministre canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, que des informations secrètes WikiLeaks pourraient offusquer les autorités canadiennes.

Au bureau du chef de la diplomatie canadienne, hier, une porte-parole du ministre, Melissa Lantsman, a indiqué que le gouvernement canadien ne sait pas ce que compte divulguer WikiLeaks.

«Nous ne commentons pas des informations qui n'ont pas encore été rendues publiques», a-t-elle indiqué hier à La Presse.» Mais le ministre Cannon est dans l'expectative et demeure prêt à réagir aux révélations de WikiLeaks en fin de semaine s'il est justifié de le faire.

Le site spécialisé dans la révélation de documents confidentiels a promis, lundi, de mettre en ligne sept fois plus de documents confidentiels que les 400 000 récemment publiés sur la guerre en Irak.

Le ministre de la Défense, Peter MacKay, a dit espérer qu'il n'y aurait pas de révélations qui pourraient mettre en danger la vie ou la sécurité des soldats canadiens présentement en guerre contre les insurgés talibans en Afghanistan.

Piètre opinion du Canada?

Quel impact auront les révélations de WikiLeaks sur les relations canado-américaines? On l'ignore pour l'instant, mais des informations ont circulé au cours des dernières heures selon lesquelles les documents en question pourraient démontrer que certains hauts responsables américains ont une piètre opinion du Canada.

Chose certaine, les autorités américaines sont manifestement inquiètes des retombées politiques et diplomatiques de ces révélations dans la mesure où elles ont décidé de prendre les devants en informant de vive voix leurs partenaires et alliés concernés.

L'ambassadeur David Jacobson a soutenu que ces documents contiennent vraisemblablement des «conversations de vestiaire» rédigées par les diplomates américains dans leurs rapports quotidiens à Washington. Il a affirmé que ces «conversations» demeurent secrètes et que celles-ci représentent l'opinion de leurs auteurs et non pas la position du gouvernement américain dans son ensemble.

Dans une entrevue au quotidien The Globe and Mail, M. Jacobson a aussi affirmé que les Canadiens devaient comprendre que les États-Unis n'ont pas de meilleur ami et allié que le Canada.

«Bien que je sois convaincu que tout le monde est sensible à ce que les autres pensent d'eux, je crois que les Canadiens saisissent bien la force et la profondeur des relations entre le Canada et les États-Unis», a dit M. Jacobson.

Obama se prépare au pire

Ailleurs dans le monde, les États-Unis se sont évertués encore toute la journée d'hier à devancer le nouveau tourbillon de révélations promis par WikiLeaks, en s'adressant à leurs alliés et partenaires afin de limiter l'impact de fuites potentiellement embarrassantes.

L'administration Obama, qui a admis se préparer «au pire scénario», avait annoncé mercredi que les services diplomatiques américains avaient entrepris de préparer des gouvernements étrangers à la publication prochaine de documents secrets par WikiLeaks susceptibles de créer des «tensions» avec eux.

Des responsables en Grande-Bretagne, mais aussi en Norvège, au Danemark et en Finlande ont aussi indiqué que leurs pays avaient été informés par les États-Unis.

À Bagdad, l'ambassadeur des États-Unis, James Jeffrey, a affirmé hier que sa mission était «inquiète» face à des révélations susceptibles de saper «des discussions de confiance».

Le département d'État américain a indiqué s'attendre à la publication de câbles diplomatiques concernant «un large éventail de dossiers et de pays».

Les premières fuites de WikiLeaks, en juillet sur l'Afghanistan, contenaient peu d'importantes révélations et celles émanant d'Irak se concentraient en majorité sur des exactions commises entre différentes factions irakiennes.

Washington pourrait être plus embarrassé par la divulgation de documents rédigés par ses diplomates, en particulier s'ils mettent en cause des partenaires étrangers des États-Unis.

Selon un haut responsable israélien cité par le quotidien israélien Haaretz, Israël, dont Washington est le plus important allié, a été informé que ces fuites de câbles diplomatiques pourraient porter sur des rapports confidentiels adressés par l'ambassade américaine à des responsables israéliens.

«Les Américains nous ont fait savoir qu'ils considéraient cette fuite avec la plus grande gravité», a ajouté ce responsable.

À Ankara, un diplomate turc de haut rang a indiqué que la Turquie avait également été mise au courant.

Selon des informations de presse, les nouvelles révélations porteraient notamment sur une aide de la Turquie aux militants d'Al-Qaïda en Irak et un soutien des États-Unis aux rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), réfugiés en Irak.

Le diplomate a exclu catégoriquement tout appui d'Ankara à Al-Qaïda, tout en saluant la coopération turco-américaine contre le PKK.

À Moscou, le quotidien Kommersant a affirmé que ces fuites comportaient des appréciations «désagréables» qui pourraient blesser Moscou.

Ces révélations «peuvent provoquer une brouille entre les États-Unis et la Russie», tout comme avec la moitié des pays de la planète, écrit le quotidien.

Avec l'Agence France-Presse