Depuis l'accord conclu avec les Cris au Québec, les négociations avec d'autres communautés, complexes au possible, avancent à pas de tortue. À titre d'exemple, trois communautés innues de l'est du Québec sont maintenant en négociations depuis 30 ans. Ce qu'elles en ont tiré jusqu'à maintenant: une dette de 30 millions de dollars.

Cela coûte cher, assurément. Tsawwassen, en Colombie-Britannique, a eu jusqu'à 13 avocats à son service.

Comme le signale Carl Nepton, négociateur en chef pour Mashteuiatsh (près de Roberval, Essipit (près des Escoumins) et Natashquan, les Innus acceptent déjà sur papier de payer taxes et impôts. Encore reste-t-il, dit M. Nepton, à négocier les modalités de tout cela, et ce, alors que les négociations sont au point mort depuis quelques mois en raison d'une mésentente.

La réserve de Tsawwassen avait la chance d'être entourée de domaines de l'État. Dans le cas des négociations avec les Innus, les Blancs doivent-ils redouter un règlement? Expropriations en vue? «On est vraiment loin de cela, assure M. Nepton. Au pire, en théorie, il pourrait y en avoir quelques dizaines pour nos trois communautés, mais notre priorité est de s'entendre de gré à gré avec les propriétaires.»

À l'échelle du pays, 588 négociations sont en cours, dont 74 concernent le Québec.

Michèle Audette, ex-présidente des Femmes autochtones du Québec, habite à Wendake, village huron près de Québec. «J'ai 39 ans et je crois bien que nos communautés seront encore en pleines revendications quand je vais mourir!» lance-t-elle, pessimiste.

«Politiquement, pour un gouvernement, c'est autrement plus dangereux de négocier avec des communautés comme la mienne, située près d'une ville, qu'en région éloignée, comme ça a été le cas avec les Cris.»

Une loi qui divise

Mais à la base, la majorité des autochtones veulent-ils changer la donne, s'affranchir de la tutelle d'Ottawa? S'ils s'ont unanimes à décrier la Loi sur les Indiens, qu'ils considèrent comme une loi infantilisante, humiliante, paternaliste, colonialiste et dépassée, rares sont ceux qui en réclament expressément l'abolition.

En entrevue il y a quelques mois sur un autre sujet, Ellen Gabriel, actuelle présidente des Femmes autochtones du Québec, avait balayé l'idée d'un revers de main. Impossible de négocier avec Ottawa: ce gouvernement ne négocie jamais de bonne foi, avait-elle tranché.

Se libérer du joug de la Loi sur les Indiens, «c'est plus facile à dire qu'à faire», admet Ghislain Picard, président de l'Assemblée des Premières Nations.

Il y a quelques années, il le préconisait pourtant. «Ça avait fini en gros titres dans les journaux: «Dans cinq ans, fini la Loi sur les Indiens.» Mais du côté des autochtones, on m'avait clairement dit: Ho les moteurs, pas si vite...»

Shawn Atleo, chef de l'Assemblée des Premières Nations pour l'ensemble du Canada, est néanmoins revenu sur ce thème en juillet. «Le temps est-il venu de dire avec audace que, d'ici deux à cinq ans, la Loi sur les Indiens ne fera plus partie de nos vies?» a-t-il demandé.

«Imaginez le jour où nous aurons renoncé à tout ce que le système actuel engendre: les taux de suicide et d'incarcération les plus élevés du pays, les taux de scolarisation et les revenus les plus bas.»