Malgré les appels à l'aide des municipalités québécoises qui implorent le gouvernement fédéral de reporter la date butoir pour les projets d'infrastructure du plan d'action économique, Ottawa se défile et blâme plutôt Québec pour le maigre progrès des discussions.

Le ministre fédéral des Transports et de l'Infrastructure, Chuck Strahl, a affirmé ne pas avoir reçu de Québec l'information requise pour décider si certains projets pourraient bénéficier d'une extension de la date limite du 31 mars 2011 pour la fin des travaux.

Les projets qui ne sont pas terminés à cette date pourraient se voir privés du financement d'Ottawa.

Le gouvernement du Québec a déjà annoncé qu'il accordera plus de temps aux municipalités pour ficeler leurs projets.

Très ferme dans son refus au début, le gouvernement fédéral a depuis adouci sa position et s'est dit prêt à faire preuve de «flexibilité» et à évaluer les dossiers au cas par cas, si les municipalités justifient leur retard dans les travaux, à la satisfaction du gouvernement. Il refuse néanmoins d'accorder une extension générale à tous.

Mais M. Strahl a affirmé jeudi qu'il réclame des données précises à Québec depuis trois mois, sans succès.

«On a de l'information partielle sur certains projets mais sur PRECO, on a presque rien», a-t-il précisé au sujet du Programme de renouvellement des conduites d'eau potable et d'eaux usées, encadrant de nombreux projets au Québec.

Jeudi, devant le comité parlementaire des Transports et de l'Infrastructure, M. Strahl a souligné avoir appris dans les médias les problèmes que vivent certaines municipalités québécoises pour terminer leurs travaux à temps.

De l'information qu'il qualifie d'«anecdotique» et qui ne peut servir à prendre des décisions.

Même privé de renseignements utiles sur leurs difficultés, il a mentionné qu'il ne peut contacter directement les municipalités du Québec -comme son ministère le fait dans le reste du Canada- parce que Québec a été clair qu'il ne veut pas de discussions entre Ottawa et les administrations municipales.

«Ils ne veulent pas que je gère cela directement avec Trois-Rivières», a-t-il expliqué.

De toute façon, selon lui, la plupart des provinces se portent bien et la très grande majorité des projets sont en voie d'être terminés à temps.

«Le problème serait surtout au Québec, où les projets ont commencé en retard», a-t-il ajouté.

Le député du Bloc québécois Michel Guimond, présent au comité, a dit que son parti va s'assurer que Québec fournisse les renseignements nécessaires.

«On s'organisera pour que le gouvernement du Québec agisse en conséquence, à la lumière de votre réponse», a-t-il lancé à M. Strahl en comité.

M. Guimond aurait déjà contacté des responsables à Québec pour faire avancer le dossier.

Une petite lueur d'espoir surgit d'ailleurs pour les municipalités: une rencontre doit avoir lieu dans les prochains jours entre M. Strahl, la présidente du Conseil du trésor au Québec, Michelle Courchesne, et le ministre québécois des Affaires municipales, Laurent Lessard.

Mme Courchesne promet que l'information fournie sera détaillée.

«C'est plus facile de le faire face à face et de passer à travers les différents dossiers problématiques», a-t-elle dit lors d'une entrevue, blâmant les agendas chargés de chacun pour ne pas avoir encore convenu d'une date pour la réunion.

Elle a affirmé que des discussions sont en cours depuis trois semaines avec le bureau de M. Strahl afin d'assurer le financement des 251 projets québécois - d'une valeur totale de 179 millions de dollars- qui risquent de ne pas être complétés au 31 mars.

Selon la ministre Courchesne, le gouvernement fédéral refusait de faire preuve de souplesse quant à la date limite du 31 mars, jusqu'à ce que le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, envoie des signaux d'ouverture, fin septembre.

«Nous on va mettre la pression pour que le fédéral nous le dise le plus rapidement possible. Même si on rencontre M. Strahl, quand est-ce qu'ils vont nous donner leur réponse?», a-t-elle demandé.

Selon la Fédération québécoise des municipalités, c'est le tiers des projets au Québec qui risquent de ne pas être terminés à temps.

Mais Mme Courchesne a justement tenu à rassurer les municipalités québécoises qui se sentent coincées entre Québec et Ottawa.

«On est en appui avec le milieu municipal dans ce dossier, a-t-elle dit. On est avec eux. On est leur allié. On va aller défendre leurs positions».

Quant aux partis d'opposition à Ottawa, ils continuent de dénoncer la méthode de «cas par cas» du ministre Strahl.

Ils estiment qu'une extension doit être accordée à tous, sans distinction.

Tout le monde doit être sur le même pied d'égalité, a martelé en entrevue le député néo-démocrate Thomas Mulcair.

«On ne peut pas dire que ça s'applique dans tous les cas (la date butoir), sauf les cas décidés par le grand vizir Strahl», s'est-il exclamé.

Sinon, il va y avoir du favoritisme dans le choix des projets, prévient-il.