Les enfants pris en charge par la Protection de la jeunesse sont un peu moins ballottés depuis que la loi a été changée, en 2007. Les tout-petits et les jeunes autochtones vivent particulièrement moins d'instabilité qu'avant, c'est-à-dire qu'ils rebondissent moins d'un centre ou d'une famille à l'autre.

C'est ce que révèle une étude menée dans tout le Québec et dévoilée à Montréal hier, au congrès biennal de l'Association des centres jeunesse du Québec. «Même si l'ampleur des changements est relativement minime, c'est un pas positif dans la direction souhaitée. Et les effets pourraient s'amplifier dans les prochaines années», a prédit l'un des auteurs de l'étude, Daniel Turcotte, de l'École de service social de l'Université Laval.

Pour en arriver à cette conclusion, le chercheur a comparé deux cohortes d'environ 9000 jeunes chacune: ceux entrés à la DPJ au cours d'une période de 12 mois chevauchant 2003 et 2004, et ceux entrés sur une période similaire en 2007-2008, soit juste après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Chaque cohorte a été suivie pendant un peu plus de deux ans.

L'entourage plus sollicité

Principal changement: lorsqu'un jeune est placé, il est de plus en plus souvent confié à son entourage (tante, grands-parents) plutôt qu'à des étrangers (famille d'accueil ou éducateurs). Avant 2007, seulement un enfant sur quatre déménageait chez des proches. C'est maintenant le cas d'un enfant sur trois.

Grosso modo, cela signifie qu'au cours de l'étude, entre 400 et 500 petits Québécois additionnels ont pu rester dans leur famille élargie grâce à la nouvelle loi.

«Auparavant, quand un parent ne voulait pas que le reste de la famille soit avisé, on respectait son refus. Mais c'est l'enfant qui en payait le prix, indique le Directeur de la protection de la jeunesse de Laval, Jean-Pierre Cormier. Aujourd'hui, on est plus insistants pour obtenir les coordonnées des proches. La loi a créé une mobilisation.»

Bannir les valises

Déjà, les jeunes sont moins susceptibles d'être placés que jadis. Mais cette tendance est à peine perceptible: 59% l'ont été après l'adoption de la loi, alors que 63% l'avaient été avant.

Selon l'étude d'hier, une fois placés en centre jeunesse ou dans une famille d'accueil, les jeunes font par ailleurs moins souvent leurs valises pour passer d'un endroit à l'autre. Mais là encore, le changement est ténu puisque les enfants admis sous la nouvelle loi ont «changé de milieu de vie» en moyenne 2,6 fois en 26 mois, contre 2,2 fois jadis.

Les garçons, les adolescents, les enfants suivis pour des troubles de comportement ou pour des abus sexuels demeurent plus ballottés que les autres. Un problème majeur puisque, chaque fois qu'un jeune est changé de milieu, il brise les liens qu'il avait créés jusque-là et doit s'adapter à de nouvelles personnes. Une grande cause de stress et d'insécurité, qui finit par saper sa confiance.

«Les juges veulent désormais qu'on démontre que le placement va permettre à l'enfant de s'enraciner, que la famille s'engage à son égard, rapporte M. Cormier. Les jeunes qui ont vécu au moins quatre changements ne s'enracinent plus nulle part, parce qu'ils n'y croient plus.»

Avant la nouvelle loi, 26% des jeunes placés avaient vécu autant de chambardements, contre 21% aujourd'hui. À l'inverse, 27% n'avaient vécu aucun changement de milieu, contre 29% aujourd'hui.

«L'instabilité vécue par les enfants placés (...) ne semble pas généralisée, bien qu'elle concerne une proportion préoccupante des enfants», concluent les chercheurs, qui renouvelleront leur étude dans cinq ans, tel que prévu par la loi.

Pour que la situation s'améliore de façon plus nette, ils espèrent que les intervenants poursuivront leurs efforts. Mais le nombre de placements ne peut pas chuter drastiquement, parce que «la réalité sociale ne changera probablement pas», prévient le professeur Turcotte.

Certaines familles d'accueil continueront par ailleurs à se désister, dépassées par la détresse de leur protégé, ou encore confrontées à un divorce ou un déménagement.