Il y a 25 ans, bien avant le dépôt du jugement «historique» de Susan Himel, des experts proposaient déjà de modifier certaines dispositions du Code criminel sur la prostitution afin de rendre le plus vieux métier du monde plus sûr. Avant de rendre sa décision, la juge a consulté les conclusions de cinq rapports commandés par le gouvernement canadien. En voici les points saillants.

Le rapport Fraser, 1985

En 1983, le ministre fédéral de la Justice forme un comité spécial sur la pornographie et la prostitution que préside l'avocat Paul Fraser. Deux ans plus tard, le rapport du comité conclut que les lois canadiennes n'ont pas permis de diminuer la pratique ni d'assurer la même protection aux prostituées qu'aux autres membres du public. Il recommande donc une série de réformes du Code criminel. Il propose notamment de permettre aux prostituées de travailler à partir de leur domicile, de décriminaliser la prostitution de rue et d'accepter le proxénétisme, à condition qu'il n'y ait pas de coercition. Le Parlement n'a pas adopté les recommandations. Il a cependant réagi avec le projet de loi C-49 qui empêchait, entre autres, les prostituées de solliciter des clients dans des endroits publics.

Le Synthesis Report, 1989

Environ trois ans plus tard, le gouvernement publie une étude pour évaluer les impacts de l'adoption du projet de loi C-49. Les chercheurs concluent que l'article de loi empêchant la communication en public (article 213) a permis de réduire la prostitution de rue dans certaines villes secondaires. Mais dans les grandes villes comme Montréal, Toronto ou Vancouver, la mise en vigueur de l'article 213 a eu pour seul effet de déplacer la pratique dans des endroits reculés et moins sûrs.

Étude sur la victimisation des prostituées à Calgary et Winnipeg, 1994

En 1994, le gouvernement canadien commande une étude de terrain afin de déterminer si l'article 213 met les travailleuses du sexe en danger. Elle conclut que les problèmes de sécurité publique engendrés par la prostitution ont été plus efficacement réduits à Calgary en évitant le recours systématique à l'article 213.

Groupe de travail fédéral, provincial et territorial sur la prostitution, 1998

Après six ans de travaux, le groupe conclut que la violence envers les travailleuses du sexe et la nuisance engendrée par la prostitution de rue au sein des communautés pourraient être limitées si la prostitution était permise dans un lieu intérieur.

Rapport du sous-comité de la Chambre des communes sur la sollicitation, 2006

En 2006, le rapport d'un sous-comité parlementaire sur l'impact des lois qui empêchent la sollicitation est publié. La majorité des membres y concluent que l'approche canadienne en matière de prostitution est contradictoire, inefficace et que les sanctions criminelles devraient être réservées aux cas de violence. Une minorité de membres indiquent toutefois que les prostituées sont des victimes et plaident en faveur d'une réforme légale qui criminalise les proxénètes et les clients.