Il y a 15 ans, Neethan Shan a fui la guerre au Sri Lanka. Aujourd'hui, il est candidat aux élections municipales de Toronto, briguant un poste de conseiller pour le quartier Scarborough-Rouge River, dans l'est de la ville.

En tout, une dizaine de Canadiens d'origine tamoule briguent un poste au scrutin torontois du 25 octobre, soit comme conseiller municipal, soit comme commissaire scolaire. C'est une forte augmentation par rapport aux élections de 2006, où un premier conseiller municipal tamoul, Logan Kanapathi, a été élu dans la ville de Markham, au nord-est de Toronto.

«Au début, lorsque les Tamouls sont arrivés au Canada, dans les années 80 et 90, l'important c'était de pourvoir aux besoins immédiats, soutient Neethan Shan, pour expliquer l'engagement croissant en politique de ses compatriotes. À mesure qu'une communauté est mieux établie, prospère, les gens s'engagent davantage en politique.»

Cette année, pour le poste de conseiller dans le district 42 (Scarborough-Rouge River), trois des huit candidats sont tamouls. C'est que les Canadiens d'origine tamoule représentent près de 20% de la population de la circonscription, derrière les Chinois, mais devant les Philippins.

Fuyant, comme beaucoup de ses compatriotes, un pays déchiré par la guerre civile, Neethan Shan est arrivé au Canada à l'âge de 16 ans. Il y a fait ses études, et s'est engagé depuis toujours dans la communauté tamoule, mais aussi à Malvern, un quartier difficile dans lequel il voudrait maintenant promouvoir le développement économique, la participation des citoyens dans le processus démocratique et les transports en commun.

«C'est en s'engageant qu'on peut faire changer les choses. Et on peut faire une grosse différence», estime pour sa part Rathika Sitsabaiesan, candidate pour le Nouveau Parti démocratique de Jack Layton, dans la circonscription fédérale de Scarborough-Rouge River.

La jeune femme de 28 ans est arrivée au Canada en 1987, comme immigrante, parrainée par son père, qui était arrivé quelques années plus tôt, comme réfugié tamoul.

La politique, elle y baigne depuis toujours. À 7 ans, son père l'amenait faire du porte-à-porte pour convaincre les membres de la communauté d'appuyer un projet d'ouverture d'une école tamoule dans leur quartier, à Mississauga.

Après avoir milité dans toutes sortes d'associations étudiantes, dès qu'elle mettait le pied dans une université, elle a décidé de faire le saut en politique fédérale, - elle est officiellement candidate du NPD depuis décembre 2009, en attente d'une prochaine élection fédérale qui pourrait survenir dans la prochaine année. «Les Tamouls sont encore très préoccupés par ce qui se passe au Sri Lanka, dit-elle. La moitié de ceux que je rencontre me demandent ce que je peux faire pour aider la situation là-bas.»

La politique active, pour elle, est une façon de poursuivre son engagement envers sa communauté.

La présence de députés tamouls au Parlement fédéral pourrait selon elle influencer la politique canadienne à l'égard du Sri Lanka, mais surtout faire une différence dans la façon dont le gouvernement traite les dossiers de demandes de statut de réfugiés, comme ceux du navire Sun Sea.

«Le gouvernement actuel semble croire que tous les Tamouls sont des terroristes, déplore-t-elle, en faisant référence à la ligne dure adoptée par Ottawa dans le dossier des migrants du Sun Sea. Il est temps que les Tamouls soient représentés au Parlement pour défendre notre cause et être pris au sérieux.»

La guerre civile au Sri Lanka

La population sri-lankaise est composée de la majorité cinghalaise, bouddhiste, qui contrôle le gouvernement et l'armée, et de la minorité tamoule, principalement hindoue, qui habite dans le nord et l'est de l'île de 65 000 km.

Pendant 27 ans, la guerre civile a opposé le gouvernement sri-lankais et les Tigres tamouls, qui luttaient pour la création d'un État indépendant dans le nord et l'est du pays: Tamil Eelam.

Les affrontements commencent en 1983, avec un attentat des Tigres tamouls contre des soldats, suivi des émeutes du «Juillet noir», où 1000 à 3000 Tamouls sont tués, et des dizaines de milliers de maisons et de commerces sont pillés ou brûlés. La population civile tamoule commence alors à quitter le pays. Entre cessez-le-feu et recrudescence de la violence, les Tigres tamouls revendiquent de nombreux attentats terroristes, dont celui qui a coûté la vie à l'ex-premier ministre indien Rajiv Gandhi, en 1991. La guerre civile prend fin officiellement par la défaite des Tigres tamouls en mai 2009.