Ils gouvernent les 20 pays les plus industrialisés (ou en voie de le devenir) de la planète. Ils gèrent des milliards de dollars de budget annuellement pour les deux tiers de la population mondiale, font face à des disparités considérables et à des défis immenses. Les chefs des pays les plus influents du monde seront au Canada pour les sommets du G8 et du G20, du 25 au 27 juin. Portrait de quelques-uns de ces leaders qui font les manchettes, chez eux ou à l'étranger.

ITALIE

L'homme des controverses

Élu pour la troisième fois (non consécutive) en 2008 au poste de premier ministre de l'Italie, Silvio Berlusconi cultive les controverses et fait fi des critiques. Son plan de réductions budgétaires de 25 milliards, décrié de toutes parts, a fait chuter sa cote de popularité au plus bas. Dans la dernière année, une affaire de pots-de-vin a entraîné la démission de l'un de ses ministres, un projet de loi sur l'écoute électronique a provoqué la colère des médias et de l'opposition, sans compter les déboires judiciaires du Cavaliere, qui est poursuivi pour corruption et tente de faire passer des lois pour éviter les poursuites en justice. Deuxième fortune d'Italie, il est propriétaire d'un groupe de médias et d'un holding financier. Mais à 72 ans, ce sont avant tout les affaires de moeurs dans lesquelles il est impliqué qui font couler le plus d'encre dans la presse italienne.

 

FRANCE

La difficile année de Sarko

Chômage galopant, élections régionales désastreuses pour son parti, réformes critiquées ou inachevées en raison de la crise financière, quelques controverses ici et là, comme son intervention pour tenter de bloquer la vente du journal Le Monde à des sympathisants de l'opposition socialiste... Trois ans après son élection à la présidence française, Nicolas Sarkozy a vu cette année sa cote de popularité sombrer au plus bas. Depuis quelque temps, il est moins visible en public et dans les médias. Les paris sont maintenant ouverts à savoir s'il se représentera au scrutin de 2012 et à quel moment il annoncera sa décision. Mais peu de gens en doutent et certains estiment même que l'«hyperprésident», comme l'appellent les Français, est déjà en précampagne. En France, depuis 30 ans, chaque occupant de l'Élysée a fait deux mandats.

 

Photo: AFP

Silvio Berlusconi

CHINE

Pas question de parler du yuan

Alors que les 20 leaders des pays riches et émergents du monde entier se rencontrent pour discuter d'économie, les dirigeants chinois estiment que le Sommet du G20 de Toronto n'est pas le forum approprié pour parler du taux de change du yuan, la monnaie chinoise. Les institutions financières internationales estiment que le yuan est sous-évalué, ce qui accorderait à l'empire du Milieu un avantage sur ses partenaires commerciaux. Le président chinois, Hu Jintao, rencontrera en tête à tête le premier ministre Stephen Harper à Ottawa avant la tenue des sommets de Muskoka et Toronto. En décembre dernier, lors de son premier séjour en Chine depuis son élection, M. Harper s'était fait reprocher par le premier ministre Wen Jiabao de ne pas être venu plus tôt. Avec ses 1,4 milliard d'habitants et son économie en forte croissance, la Chine a compris, déjà, la nouvelle place qu'elle occupe dans ces grandes rencontres internationales.

AFRIQUE DU SUD

Le G32 de Jacob Zuma

Pendant que les regards politiques et économiques du monde entier seront tournés vers Toronto, la planète sport a quant à elle les yeux rivés sur l'Afrique du Sud, où 32 pays se livrent bataille pour le titre de champion mondial du ballon rond. La Coupe du monde de soccer 2010 bat son plein jusqu'au 11 juillet dans la «nation arc-en-ciel», un coup de publicité inespéré pour le président Jacob Zuma, seul représentant officiel du continent africain au G20. Onze des pays du G20 ont une équipe en lice, plus deux pays invités (les Pays-Bas et l'Espagne), et plusieurs croient même en leurs chances d'aspirer au titre ultime, entre autres le Brésil, l'Allemagne, l'Argentine et l'Italie.

Photo: Reuters

Hu Jintao

BRÉSIL

Le chant du cygne de Lula

À quelques mois de la fin de son deuxième mandat à la présidence du Brésil - la Constitution lui interdit d'accomplir trois mandats consécutifs -, Luiz Inácio Lula da Silva jouit toujours d'une popularité record, avec un taux de satisfaction de 76% après huit ans à la tête du pays. La course à sa succession s'est transformée, dans les dernières semaines, en duel entre Dilma Rousseff, la dauphine de Lula, et José Serra, ancien gouverneur de São Paulo, qui représente l'opposition. Mais l'homme du peuple et ancien syndicaliste, qui fuit la langue de bois et adore les bains de foule (au grand dam de ses gardes du corps), pourrait ne rester à l'écart du pouvoir qu'un bref moment. Au début du mois, celui qui a été réélu en 2006 avec plus de 60% des voix a laissé entendre qu'il pourrait se représenter à l'élection présidentielle de 2014, ce que la Constitution brésilienne lui permet de faire. Cette année, il a été nommé «homme d'État mondial» à Davos.

ALLEMAGNE

La «femme la plus puissante du monde»

Au moment de sa réélection à la tête de l'Allemagne, en septembre 2009, le magazine français L'Express a titré: «Angela Merkel, la femme la plus puissante du monde», une épithète que le magazine Forbes lui a aussi attribuée quatre années consécutives. En effet, rares sont les femmes dans ces rencontres des leaders mondiaux; elle est la seule femme du G8, et elles sont deux au G20 (avec la présidente argentine Cristina Kirchner). Première femme à devenir chancelière d'Allemagne, Angela Merkel est aujourd'hui à la tête d'une coalition qui vacille, aux prises avec des problèmes internes qui ont fait chuter sa cote de popularité, dont un «plan de rigueur» économique qui fait grincer bien des dents et la démission-surprise du président de la République, Horst Kölher, le 31 mai, à la suite de déclarations controversées sur l'engagement allemand en Afghanistan.

Photo: AFP

Luiz Inacio Lula da Silva

ROYAUME-UNI

Le baptême de David Cameron

Élu en mai dernier, il est, à 44 ans, le premier ministre britannique le plus jeune depuis deux décennies. Après d'âpres négociations, il dirigera le premier gouvernement de coalition du Royaume-Uni depuis la Seconde Guerre mondiale. C'est aussi la toute première fois de l'histoire britannique que conservateurs et libéraux-démocrates concluent une alliance officielle. Et David Cameron en rajoute: il a promis un référendum sur la réforme du mode de scrutin. Le projet d'y introduire le vote préférentiel, jumelé à d'autres projets de réforme électorale, représenterait une véritable petite révolution dans la politique britannique. Il arrive à son premier sommet international en désaccord avec l'hôte de la réunion sur la question de la taxe bancaire internationale. Lors d'une rencontre avec Stephen Harper au 10, Downing Street, début juin, M. Cameron a été formel: le Royaume-Uni a l'intention d'aller de l'avant avec cette mesure, avec ou sans la participation du Canada.

JAPON

Six premiers ministres en quatre ans

Économie en déroute, déficit public énorme, vieillissement de la population: les défis sont immenses pour Naoto Kan, désigné premier ministre du Japon le 4 juin dernier après la démission de son prédécesseur, impliqué dans des scandales politico-financiers. Kan est le 6e premier ministre japonais en 4 ans et le 17e en 30 ans. Sa priorité, a-t-il dit à son entrée en poste, sera de regagner la confiance de la population, qui se détourne d'une classe politique instable et empêtrée dans les scandales. Mais Naoto Kan, 63 ans, a un parcours complètement différent de ses prédécesseurs: issu d'un milieu populaire, militant de gauche, il s'est fait un nom en bravant la bureaucratie nippone, réputée imposante, et il n'a pas peur d'admettre ses erreurs. Kan sera-t-il le sauveur qu'attend le Japon, deuxième économie mondiale, qui tarde à reprendre le chemin de la croissance économique après la crise?

Photo: AP

David Cameron

INDE

L'allié contre la taxe bancaire

Le Canada, vivement opposé à la taxe bancaire promue par les pays européens, a trouvé un allié: l'Inde. Lors d'une rencontre préparatoire des ministres des Finances du G20, en Corée, l'Inde a fait adopter une proposition visant à préférer la réglementation des banques plutôt que l'imposition d'une taxe. Troisième puissance économique d'Asie, l'Inde a presque retrouvé sa croissance économique d'avant la crise financière mondiale, enregistrant une progression de 8,6% au premier trimestre de 2010. Quinzième premier ministre de l'Inde, Manmohan Singh, âgé de 77 ans, a grandement contribué, dans les années 90, aux réformes économiques qui ont fait de l'Inde un membre incontournable des grands sommets économiques. C'est aujourd'hui sur le plan politique qu'il tente de faire sa marque: il a entrepris un rapprochement avec le Pakistan voisin, après des décennies de conflits.

CORÉE DU SUD

En attendant Séoul

Après Washington, Londres, Pittsburgh et, cette année, Toronto, le sommet du G20 prendra la direction de Séoul, la capitale sud-coréenne, en novembre prochain. Ce sera la première rencontre des leaders les plus influents du monde dans un pays qui n'est pas membre du G8. Élu président en 2007, Lee Myung-bak veut profiter de «son» sommet du G20 pour servir de pont entre les pays riches et les pays émergents, auxquels il souhaite donner une place plus importante dans les organisations mondiales tels le FMI ou la Banque mondiale. Né au Japon, élevé dans la pauvreté, l'ancien maire de Séoul a contribué à l'essor phénoménal de Hyundai, où il a passé 27 ans et où il a acquis le surnom de «bulldozer» pour sa capacité de mener à bien des projets de grande ampleur. Il montre la même détermination pour l'avenir de son pays, aujourd'hui 14e économie mondiale, qu'il veut faire monter au 7e rang tout en en faisant un modèle de développement pour les pays émergents.

Photo: AP

Manmohan Singh

CANADA

Harper dans le rôle de l'hôte

Le Canada aura eu beaucoup de visibilité à l'étranger, cette année. Après les Jeux olympiques d'hiver à Vancouver, en février, le premier ministre Stephen Harper reçoit maintenant les leaders des grandes puissances du monde. Tout juste sorti d'une session parlementaire houleuse durant laquelle l'intégrité de son gouvernement et sa gestion des finances publiques ont été remises en question, le premier ministre canadien doit maintenant composer avec le regard critique international. Sa gestion de l'organisation des sommets de juin a été vilipendée par ses adversaires à un point tel que des articles à ce sujet ont paru dans la presse étrangère, comme cette semaine dans l'influent magazine britannique The Economist. À 51 ans, M. Harper pourrait être tenté de s'adresser à l'électorat canadien dès l'automne prochain dans l'espoir d'obtenir un troisième mandat consécutif, et peut-être une première majorité.

ÉTATS-UNIS

La première grande crise d'Obama

Le président américain Barack Obama débarque à Toronto avec bien d'autres soucis en tête que le G8 et le G20. L'immense marée noire dans le golfe du Mexique, au sud des États-Unis, que le président a lui-même qualifiée de «11 septembre de l'environnement», est la première crise majeure, mise à part la débâcle financière, du mandat du démocrate, entré en poste en janvier 2009. Après avoir paru impuissant à gérer la catastrophe, le président Obama a joui d'une première victoire considérable cette semaine en forçant la pétrolière BP à créer un fonds d'indemnisation de 20 milliards de dollars pour les populations touchées par la marée noire. Partisan d'une taxe bancaire pour éviter à tout jamais d'avoir à venir en aide au secteur financier comme il a dû le faire en 2009, le président américain ne cache pas son inquiétude de voir plusieurs gouvernements européens réduire considérablement leurs dépenses avant même que les séquelles de la crise se soient estompées.

Photo: PC

Stephen Harper