L'attrait des cours d'eau ne se dément pas aux yeux des acheteurs de maison, mais le glissement de terrain de Saint-Jude devrait les faire réfléchir.

C'est l'avis d'un arpenteur expérimenté de la région de Saint-Hyacinthe, Guy Bruneau. M. Bruneau est souvent appelé à indiquer sur les certificats de localisation les zones à risque de mouvements de sol déterminées par les municipalités.

 

Ces certificats servent ensuite à obtenir un prêt hypothécaire ou à confirmer une vente. «Il arrive souvent que cela couvre l'entièreté de la propriété, dit M. Bruneau. C'est sûr que les prêteurs sont sensibilisés à ça et c'est sûr que ça bloque certaines transactions.»

Les risques de glissement de terrain font en effet échouer des ventes de maison. «À partir du moment où il y a une zone à risque, pas un seul prêteur ne va prêter, explique le notaire Pascal Martin. Alors, il faut que la transaction soit faite comptant.»

Mais cela ne décourage pas certains acheteurs désireux de s'installer au bord d'une rivière, peu importe les risques de glissement de terrain, d'embâcle ou d'inondation, déplore M. Bruneau.

«Toute la population est intéressée à s'installer au bord de l'eau, dit M. Bruneau. Prenez la rivière Richelieu. Il y a plein d'endroits où il n'y a presque pas de terrain entre la route et la rivière. Les gens achètent ces terrains et font des pressions sur les municipalités pour assouplir les règles. J'espère que le glissement de terrain de Saint-Jude va faire réfléchir les gens qui veulent bâtir des maisons de 500 000$ sur un cure-dent. Il faut vraiment être très clairvoyant et protéger la population contre elle-même.»

D'autant plus que la Sécurité civile révise depuis 2006 ses cartes de zones à risque. Dans bien des cas, les zones à risque élevé pourraient s'étendre. Et le travail de cartographie pourrait s'accélérer dans la foulée de la tragédie de Saint-Jude.

«Les assureurs, les notaires et les prêteurs hypothécaires sont un peu inquiets de nous voir arriver», dit François Morneau, coordonnateur scientifique à la Sécurité civile du Québec et responsable du renouvellement de la cartographie.

Les acheteurs de maison devraient prendre des précautions, selon Alain Guilbert, notaire à Saint-Hyacinthe. «On conseille aux acheteurs de communiquer avec l'inspecteur municipal. Peut-être que, à la suite de l'incident, les gens seront plus sensibles à ce problème. Dans le contexte, ça peut avoir un effet sur la valeur marchande des propriétés.»

Cependant, en 20 ans, il n'a pas eu connaissance qu'un bâtiment principal se soit trouvé dans une zone à risque élevé. Le problème touche plus souvent des dépendances.

Me Guilbert croit que le risque de mouvement de sol pourrait être mieux cerné à l'avenir. «J'imagine que, comme pour les problèmes de contamination ou de pyrite, une forme d'expertise apparaîtra.»

En attendant, les personnes qui habitent dans des zones à risque doivent savoir que les glissements de terrain ne sont pas couverts par les polices d'assurance.

«Malheureusement, on couvre à peu près toutes les catastrophes, sauf les inondations et les glissements de terrain, dit Anne Morin, responsable des affaires publiques au Bureau d'assurance du Canada. Pour nous, un sinistre, c'est quelque chose qui doit survenir de façon aléatoire. Dans le cas des inondations ou des glissements de terrain, les zones à risque sont connues. On sait que ça peut arriver, seulement on ne sait pas quand.»