Sayon Camara, cette Guinéenne menacée d'expulsion en dépit d'une grossesse à risque, a été mise en liberté hier en attendant son renvoi, prévu pour aujourd'hui. Elle implore Ottawa d'intervenir pour lui permettre de rester au Canada.

«Je demande à monsieur le ministre de m'aider. Je veux rester à côté de mon mari jusqu'à mon accouchement. Tant que je suis malade, je risque de perdre mon bébé», a-t-elle déclaré hier après-midi au complexe Guy-Favreau, à Montréal.

 

Sayon Camara venait tout juste de comparaître devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR), qui a ordonné sa mise en liberté.

Les yeux rougis, la voix saccadée, la femme de 42 ans s'est dite «soulagée» de pouvoir retourner chez elle pour sa dernière nuit à Montréal. Son mari, Abdoul Sow, la serrait contre lui, ému. «Ça fait quatre jours que je ne peux pas me tenir comme ça, debout, à côté d'elle, a-t-il dit. Ça, seulement, ça me suffit.»

Sayon Camara était emprisonnée depuis vendredi au Centre de prévention de l'immigration à Laval. Ce jour-là, l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) lui a annoncé qu'elle serait renvoyée vers son pays natal quatre jours plus tard, soit aujourd'hui. L'agent de renvoi l'a mise en état d'arrestation pour s'assurer qu'elle se présente à l'aéroport.

Or, en vertu de la loi, l'ASFC doit s'adresser à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour détenir une personne plus de 48 heures. La commissaire Dianne Tordoff a refusé d'accorder une prolongation, hier.

Problèmes de santé

Sayon Camara, qui est enceinte de six mois, s'est engagée à se présenter à l'aéroport Montréal-Trudeau à 11h aujourd'hui. Son vol à destination de la Guinée est prévu pour 14h.

Son avocat, Stewart Istvanffy, dit avoir bon espoir qu'Ottawa «se réveille» d'ici là. Selon lui, les ministres fédéraux de l'Immigration et de la Sécurité publique, Jason Kenney et Vic Toews, ont tous deux le pouvoir d'annuler ou de retarder l'expulsion de sa cliente.

Vic Toews ne semblait pas avoir l'intention d'intervenir, hier soir. «Le gouvernement applique les décisions des tribunaux, a écrit son porte-parole, Chris McCluskey, dans un bref courriel rédigé en anglais. Le renvoi d'individus inadmissibles est nécessaire pour préserver l'intégrité de notre système d'immigration et ceux qui viennent dans notre pays en respectant la loi.» Le bureau de Jason Kenney n'a pas rappelé La Presse ni répondu à nos courriels, hier.

Sayon Camara, qui a quitté la Guinée il y a quatre ans, a épuisé tous ses recours pour éviter l'expulsion. Elle n'a présentement aucun statut au Canada. Elle a présenté à l'ASFC deux lettres de médecin attestant qu'elle présente une grossesse difficile et qu'elle a besoin d'un suivi médical régulier. Mme Camara, une femme qui est obèse, souffre de diabète. Son avocat et son mari, qu'elle a rencontré à Montréal, maintiennent qu'elle ne peut recevoir les soins adéquats dans son pays natal.