Le ministère fédéral de la Justice paye pour aider à publiciser d'importants travaux de recherche sur la justice qui discréditent fréquemment les politiques gouvernementales de lutte contre le crime.

Et si le projet subventionné par le gouvernement a pour objectif de porter sur des recherches pertinentes en matière de politique et de fournir une «éducation générale» à ceux qui s'intéressent aux politiques de justice criminelle, le gouvernement du premier ministre Stephen Harper ne semble pas y porter attention.

Dans la plus récente édition de Criminological Highlights, publiée le mois dernier avec le soutien du fédéral, le Centre de criminologie l'Université de Toronto critique plusieurs des mesures contre le crime les plus chères au coeur du ministre de la Justice, Rob Nicholson.

Le document rappelle également pourquoi les gestes posés par Ottawa en faveur de l'instauration de peines minimales obligatoires risquent de mener au genre de négociation de plaidoyers pouvant provoquer une tempête parmi la population, comme ce fut le cas, récemment, avec l'ancien pilier conservateur Rahim Jaffer.

Les peines obligatoires, est-il écrit dans le document, «minent la légitimité du processus de poursuite» et «minent (....) l'égalité devant la loi lorsqu'elles font en sorte que des contrevenants semblablement coupables soient traités de façon radicalement différente».

Dans un langage plus simple, les gens qui peuvent se permettre le luxe d'un bon avocat parviennent à transiger en matière pénale pour éviter une peine obligatoire sévère, tandis que l'accusé ordinaire doit encaisser le coup.

Les peines minimales obligatoires préviennent-elles le crime?

Le document souligne également que «40 années de recherches de plus en plus sophistiquées démontrent que (les peines minimales obligatoires) n'ont aucun effet dissuasif».

Cet extrait provient d'une étude menée en 2009 par un universitaire américain, Michael Tonry. Cette étude, reposant sur au moins 16 examens de systèmes juridiques, notamment aux Etats-Unis, semble avoir été ignorée par le gouvernement conservateur.

Le ministre de la Justice a refusé d'être interviewé pour défendre ses politiques. Toutefois, le bureau de M. Nicholson a affirmé dans un courriel que «les études sont à notre avis peu concluantes, en particulier en ce qui a trait au principal débat: les peines minimales obligatoires préviennent-elles le crime?»

Ce qui est certain, en tout cas, c'est que les peines minimales obligatoires accroissent les populations carcérales à un coût immense pour les contribuables. C'est d'ailleurs pourquoi plusieurs Etats américains, la Nouvelle-Zélande et la Grande-Bretagne tentent de relâcher les règles sur les sentences après plusieurs années d'une expérience coûteuse.

Le ministère fédéral de la Justice subventionne Criminological Highlights depuis 1997. Le premier ministre Harper a cependant clairement fait savoir que son gouvernement n'acceptait pas les recherches jugées par les pairs portant sur les questions criminelles.